Et si ...

Par Jean-Paul Ségade
Président du CRAPS

Et si il y avait trop d’hôpitaux en France ?…

Cette question suscite de vifs débats, mais n’en demeure pas moins légitime. Dans un premier temps, il convient de s’arrêter sur la terminologie car dire qu’il y a trop d’hôpitaux ne veut pas dire qu’il y a trop de sites, ça ne veut pas dire non plus qu’il faut supprimer des lits. S’interroger sur le nombre d’hôpitaux en France, c’est se demander s’il n’y a pas trop de structures administratives. Il semblerait que la réponse soit positive.

Trois raisons peuvent l’expliquer :

• Historique d’abord, puisque l’origine des hôpitaux en France prend ses racines dans l’histoire religieuse de notre société. Les premiers lieux d’accueil des malades furent, en effet, au Moyen Âge, les Hôtels-Dieu situés à proximité des églises et des congrégations religieuses dont les membres se consacrent aux soins aux malades. Ces établissements sont devenus, au fil du temps, des structures communales ou encore des habitations et des hôtels.

• Politique ensuite, puisque l’hôpital est le premier employeur et le premier donneur d’ordre en termes de marchés publics. Les communes et singulièrement les maires ne souhaitent donc pas renoncer à la présidence d’un conseil de surveillance de l’hôpital sur leur territoire. En outre, la France est toujours « le jardin des Gaulois » où chacun a sa vision sanitaire. Les résistances en matière de réorganisation sont donc fortes.

• Le progrès médical exponentiel, enfin, avec pour conséquences de concentrer les progrès techniques et la spécialisation des métiers. Ce progrès ne va-t-il pas mener pour les soins comme pour la recherche à des regroupements nécessaires de structures ? Regroupement qui, bien sûr, ne signifie pas fermer des sites mais suppose une véritable coordination et coopération. Coopération que les syndicats interhospitaliers ont d’ailleurs tenté de développer, sans succès.

Plus récemment, si les groupements hospitaliers de territoires (GHT) ont connu des avancées, le mal de l’administration française sévit toujours : les structures se superposent mais ne sont pas supprimées, à l’instar des collectivités territoriales. En interne, les pôles n’ont pas supprimé les services et en externe les GHT n’ont pas regroupé les hôpitaux. La restructuration du système hospitalier est toujours d’actualité.

Nous avons, alors, tout intérêt à nous inspirer d’un pays tel que le Danemark qui semble avoir réussi sa politique de reconfiguration hospitalière en commençant par réduire le nombre de communes et à réorganiser son processus de territorialisation avant de s’attaquer à la problématique hospitalière.

S’il semble par ailleurs pertinent de coordonner et de regrouper les hôpitaux, certaines structures à l’image de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris sont jugées trop lourdes. À titre d’exemple, l’AP-HP depuis 2019 a mis en place une nouvelle organisation fédérative autour de 6 CHU et poursuit ainsi sa reconfiguration pour que les décisions soient plus proches des équipes et des services.

Nous savons, aujourd’hui, d’après des études économiques, que la performance des hôpitaux se situe entre une capacité minimale en dessous de laquelle la performance n’est pas au rendez-vous et une capacité maximale au-delà de laquelle l’effet structurel induit des dysfonctionnements tels que des retards dans les processus de décision. Finalement, à travers la question du regroupement des hôpitaux, le véritable débat consiste à déterminer le niveau de performance selon la taille d’un hôpital. Pour conclure, il ne s’agit pas de supprimer des sites ou des lits mais de mutualiser les énergies. C’est le vrai débat de l’organisation de la santé en France en 2022 !