Tribune

Par
Bruno Coquet,
Président de UNO – Études & Conseil, économiste et membre du comité directeur du CRAPS
« Heureux celui qui lit, heureux ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui est écrit en elle, car le temps est proche. » (Ap 1, 3)
La marche du monde, l’évolution des valeurs, des techniques, de l’économie, de la démographie, les chocs structurels nécessitent des mises à jour régulières du contrat social. Mais celui-ci a aussi une vocation stabilisatrice qui doit réfréner les réécritures intempestives, opportunistes, subreptices.
La France est depuis longtemps à la peine avec ses finances publiques ; mais le dérapage de 2024, d’abord attribué à un problème de recettes, a depuis focalisé l’attention sur les « dépenses sociales », malgré leur contribution infime à la hausse récente de la dette publique. Des problèmes évidents sans être nouveaux et qu’il faut bien entendu résoudre sont instrumentés pour désigner les retraites comme responsables principales des difficultés accumulées. La solution apparemment logique d’un transfert de revenu des retraités vers les actifs serait pourtant inique au sens où elle compenserait en réalité un déficit de travail des actifs.
Pour ne pas enflammer inutilement des conflits sociaux et générationnels, nous proposons ici d’une part de clarifier la comptabilité des transferts publics, d’autre part de considérer les dépenses sociales comme un ensemble cohérent, afin de pouvoir raisonner en termes d’efforts partagés, de contreparties, c’est-à-dire dans le cadre d’une évolution équilibrée du contrat social.
Bonnes et mauvaises raisons de réécrire le contrat social.
Dans les sociétés contemporaines, le contrat social se décline en combinaisons complexes de transferts financiers interpersonnels (redistribution, maladie, etc.) et intergénérationnels (retraites, éducation, etc.). Ces instruments peuvent être raffinés, des rajouts ou des coups de rabots sont possibles à la marge, mais la préservation de l’équilibre du contrat social requiert ponctuellement des réformes « structurelles ». C’est typiquement le cas des cinq grandes réformes des retraites actées depuis 19931, car la démographie, la productivité et le fonctionnement du marché du travail, combinés à des règles définies pour d’autres temps, déformaient notre contrat social.
Les difficultés actuelles des finances publiques ne sont pas de cet ordre. Elles n’ont pas pour origine une dérive massive et inopinée des « dépenses sociales » : de 2022 à 2024 la dette publique a augmenté de 477 milliards d’euros, dont seulement 11 milliards d’euros proviennent des administrations de sécurité sociale2. La hausse de la dette publique doit donc se trouver soit dans la politique dite « de l’offre » qui n’aurait pas produit l’effet de levier escompté sur les recettes publiques3, soit dans les dépenses non sociales qui ne seraient pas financées. Au total, l’origine des problèmes reste encore obscure, ce qui ne facilite pas leur résolution… ou au contraire peut pousser à la facilité en désignant des boucs émissaires4.
Pourtant, l’idée s’est facilement imposée dans le débat public selon laquelle les « dépenses sociales » sont seules responsables de la dégradation inattendue des finances publiques, et l’obstacle principal à leur rémission. Les arguments abondent, véridiques comme douteux, et il serait difficile de les trier s’ils ne menaient tous à la même prescription : réduire les « dépenses sociales » (en réalité exclusivement les retraites), et ainsi financer le déficit public (et non réduire les autres dépenses)5, sans que l’on sache si la réduction du poids des dépenses sociales est une nécessité structurelle ou conjoncturelle.
L’avantage de ne pas trancher cette question est qu’il n’y aurait même pas à s’infliger une énième réforme des retraites. Une loi de finances ordinaire suffirait, qui sans toucher aux paramètres des carrières et des pensions amputerait le taux de remplacement effectif des retraites par le jeu de leur désindexation et de taxes ciblées, c’est-à-dire des taxes sur l’âge.
Cette pirouette aurait deux conséquences : d’une part elle modifierait radicalement le contrat social sans consentement des parties, d’autre part elle ne résoudrait pas le problème puisque les politiques inefficientes seraient blanchies sans le moindre audit. Ce jeu à somme nulle, voire négative, vaut-il un conflit générationnel ?
L’évidence desservie par l’outrance
Il est un fait que la stratégie économique et sociale de la France n’a pas produit la croissance ni le niveau de « bien-être » attendus, et la nécessité de la redéfinir, avec une attention particulière portée à notre modèle social6, ne fait aucun doute. Le coût du travail trop élevé et les salaires trop faibles pour vivre décemment sont des évidences loin d’être nouvelles7, qui trahissent des dysfonctionnements du marché du travail, du système socio-fiscal, et l’échec des politiques publiques censées les résoudre. La convergence des niveaux de vie des retraités et des salariés8, les inégalités de répartition du revenu et du patrimoine sont également des faits indéniables, mais moins spécifiques à la France. Il faut aussi souligner que tout n’est pas synonyme d’échec dans le modèle français, que notre pays reste économiquement attractif et doté de nombreux atouts et avantages comparatifs, ainsi qu’un modèle social dont l’efficacité est indéniable dans certains domaines, par exemple en matière de lutte contre la pauvreté.
Les défis qui dominent le débat nécessitent-ils de couper le courant du transfert intergénérationnel ascendant, et seulement celui-là ? Faut-il essentialiser les boomers en réécrivant leur vie rêvée dans un âge d’or, des salaires de nababs, des culbutes immobilières, la jouissance des dividendes de la paix, etc., et qui auraient poussé le cynisme jusqu’à se concocter une retraite longue9 et dorée aux frais de leurs enfants ? Ce conte chargé de rancune est faux10, et il occulte notamment la réforme systémique majeure des retraites de 1993, la première par laquelle ces générations décidèrent de réduire drastiquement la charge future des pensions plutôt que d’accroître les cotisations, afin précisément d’épargner les générations suivantes11.
Travailler moins pour gagner plus
On peut aussi regarder en avant, et voir comment s’incarne cette « injustice faite à la jeunesse ». L’argument majeur renvoie à la nécessité de travailler plus en augmentant les taux d’emploi des jeunes et des seniors. En clair, accroître la part de la population d’âge actif vivant de son travail. Cela signifie-t-il pour autant que les générations futures vont devoir travailler comme jamais leurs aînées ne l’ont fait, uniquement pour payer les dépenses sociales de ces dernières ? Ce n’est pas ce qui ressort des observations ni des projections existantes :
– Chaque génération d’actifs travaille moins que la précédente, quel que soit l’indicateur de durée du travail retenu (durée légale, effective, validée pour la retraite ou requise pour le taux plein). Par exemple, en 1980, un salarié travaillait en moyenne 19 % de plus qu’aujourd’hui, de quoi vivre mieux sans dégrader les finances publiques ni rogner la protection sociale12. Rien n’indique une volonté d’inverser cette tendance, et assez logiquement il est difficile de gagner plus que les générations précédentes en travaillant moins, d’autant que la productivité progresse moins vite.
– Les dépenses de retraites baissent depuis 10 ans (13,6 % du PIB en 2023)13, et sont déclinantes dans les projections du COR, en dépit du vieillissement et de la productivité ralentie. Les ressources affectées aux retraites diminuent aussi, et même plus vite que les dépenses (d’où le déficit projeté).
– La durée de carrière moyenne validée a augmenté depuis plus de 30 ans et va se stabiliser jusqu’aux générations nées au début des années 1970 : ensuite, elle diminuerait fortement jusqu’à réduire de 1 an la durée de travail sur la vie entière par rapport aux générations qui liquident actuellement leurs droits14.
– La durée des retraites augmentera pour les post-boomers jusqu’à atteindre le niveau inédit de 27 ans15, alors qu’elle baisse jusqu’aux générations nées au milieu des années 1960 (moins de 24 ans pour la génération 1966).
– Les générations entrent actuellement sur le marché du travail 2,5 ans plus tard qu’au début des années 1980, époque à laquelle le service national induisait souvent une année sans salaire en début de vie active16. Et aujourd’hui, avec le boom de l’apprentissage 4,5 % des actifs acquièrent des trimestres gratuits à ce titre qui peuvent être valorisés à environ 12 milliards d’euros par an17, auxquels s’ajoutent des trimestres acquis au titre de l’assurance chômage pour 20 % d’entre eux18.
Ces éléments dûment documentés décrivent un futur où la quantité individuelle de travail diminuera, de même que la charge de financement des retraites alors que les droits à la retraite augmenteraient, bien loin du racket intergénérationnel redouté.
Sous le slogan du « travail qui ne paie pas », c’est plutôt un projet du « travailler moins pour gagner plus » qui se profile, non par la vertu d’une hausse de la productivité, mais par rupture du contrat social.
Parfaire plutôt que défaire le contrat social
Les prophètes décomplexés du travailler moins, bénéficier plus, hériter vite pourraient bien sûr réécrire le contrat social par la force, en le débarrassant de son chapitre retraites comme on arracherait l’Apocalypse à la Bible.
Cette ambition gagne en audience bien qu’elle ne résolve pas les problèmes sur lesquels elle prospère. En effet, elle ne propose pas d’économies budgétaires autres que la réduction des pensions, ressource immédiatement consacrée au financement des 75 % de dépenses publiques restantes. La dynamique économique sous-jacente est aussi un pari risqué, s’agissant de payer pour voir en offrant aux actifs un bonus de pouvoir d’achat en contrepartie d’une coupe franche dans les revenus des retraités. De plus, une réduction du coin socio-fiscal19 n’améliore pas directement la productivité, et ne garantit pas que les employeurs augmenteraient les salaires. In fine, c’est seulement si la quantité individuelle de travail augmente que l’on pourra dire si le bonus était réellement incitatif ou seulement une aubaine.
Pour éviter que le contrat social n’en fasse les frais, il est raisonnable de ne pas laisser accroire que les retraites sont le seul levier budgétaire. En effet, les transferts intergénérationnels sont nombreux et pas à sens unique, mais ces autres flux sont moins visibles, si bien qu’ils peuvent sembler dus, intangibles. En réalité, ils pourraient sans doute être rendus plus efficients dans le cadre d’un contrat social renouvelé, équilibré et apaisé.
Faire les comptes avant de les régler
Nous prenons ci-dessous trois exemples qui sans épuiser le sujet illustrent l’intérêt de chercher à identifier toutes les marges de manœuvre :
– L’investissement dans l’éducation est un totem moral et rationnel. C’est aussi une dépense sociale et un transfert intergénérationnel descendant qui a toujours fait partie du contrat social. Le volet économique rationnel de la dépense éducative vise à ce que la productivité des générations plus diplômées continue de progresser au moins aussi vite que celle des générations moins qualifiées qui la financent. Grâce à notre contrat social qui permet d’accumuler du capital humain en libre-service, chaque génération a été plus diplômée, donc mieux dotée que les précédentes. Cet investissement cumulé d’environ 180 milliards d’euros par génération (dont 40 milliards d’euros pour l’enseignement supérieur)20 n’a cependant pas eu le rendement escompté : ni au niveau macroéconomique, car plus les générations étaient diplômées plus la productivité apparente du travail a ralenti21, ni individuellement, car la panne de l’ascenseur social et le déclassement signifient que les actifs sont inutilement surdiplômés pour occuper des emplois à faible valeur ajoutée, donc peu rémunérés dans l’absolu comme au regard de leurs espérances. En outre, en travaillant moins avec une faible productivité, le capital humain est sous-utilisé, ce qui accroît la privatisation individuelle du taux de rendement interne de l’éducation, au détriment des gains collectifs22. L’option alternative de l’éducation payante remboursée par le travail aurait eu l’avantage de révéler ce faible rendement, aujourd’hui socialisé dans la dette publique… et imputé aux retraites23.
– Le patrimoine public est un capital sans rendement apparent24. L’idée que ces actifs seraient une contrepartie de la dette aux yeux des créanciers de l’État doit tenir compte de leur liquidité aléatoire (ouvrages de génie civil et terrains qui les supportent, plans d’eau, tribunaux, hôpitaux, lycées, etc.) : il n’est donc guère possible – ni souhaitable– de le vendre pour renflouer l’État. Au titre du contrat social actuel, ce patrimoine est indivis, mais capitalisé et transmis par des générations de contribuables, si bien que chacune pourrait être porteuse de titres de créance correspondant à ses apports successifs. En réalité, ce capital a un rendement, mais qui n’étant pas chiffré, se trouve implicitement affecté au budget de l’État, autrement dit taxé à 100 %. Tout en restant neutre, une comptabilité explicite ferait apparaître le rendement de ce capital25, qui n’est ni plus ni moins qu’un transfert intergénérationnel descendant.
– Les dépenses de solidarité, avec d’un côté les droits à pension non contributifs, de l’autre la politique familiale26. Les dépenses de retraites non rattachées à des contributions pèsent 20 % de la masse des pensions (67 milliards d’euros)27 ; s’agissant de redistribution interpersonnelle, le fait que celle-ci soit financée aux 2/3 par les cotisations affectées aux retraites28 n’en fait pas pour autant un transfert intergénérationnel. Ce canal de financement est discutable, car il alourdit d’environ 1,5 % du PIB la « générosité » apparente des règles régissant les retraites de droit direct hors solidarité. Concernant la politique familiale, ce transfert intergénérationnel est dans la moyenne européenne (2,2 % du PIB), mais va bien au-delà (4,7 %) si l’on y inclut l’ensemble des dépenses sociales et fiscales ayant le même objet29. L’efficacité de ces dépenses ne laissait pas place au doute en raison d’une fécondité relativement élevée en France, mais la tendance récente pourrait raviver les questions.
Prendre du recul n’est pas reculer
Il est souhaitable de prendre les choses dans l’ordre, c’est-à-dire de commencer par évaluer et traiter les dépenses publiques non sociales qui ont creusé le déficit et alimenté la dette publique. Les dépenses sociales étant quant à elles financées par des recettes sociales conformes au contrat social tel qu’il a été défini, leur contribution au problème des finances publiques est infime.
Cela n’exclut pas d’engager des réformes structurelles dans ces domaines, car le modèle social coûte cher – en particulier, mais pas seulement les retraites. Ces dépenses peuvent et devraient être allégées, mais surtout mieux financées : ce qui relève de l’assurance devrait être strictement contributif (retraites et chômage notamment), afin de ne surtout pas installer une préférence pour l’oisiveté, et ce qui relève de la solidarité et de la redistribution devrait être financé par des recettes fiscales. Il ne s’agit donc pas de minorer les problèmes mais de les documenter au moyen d’une comptabilité claire et complète des transferts, tous les transferts, dans une perspective cadrée, garantissant des évolutions raisonnables, comprises et acceptées du contrat social.
Sources :
1. Le premier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) publié en 2000 s’intitulait d’ailleurs : « Retraites : renouveler le contrat social entre les générations ».
2. Soit 2,3 % du total. Pour être complet, la dette publique s’est accrue de 1 115 milliards d’euros depuis fin 2016 dont 61 milliards d’euros (5,5 % du total) pour les « administrations de sécurité sociale » (ASS) et de 918 milliards d’euros depuis fin 2019, dont 92 milliards d’euros (10 %) pour des ASS. (Insee, Comptes nationaux).
3. Le mécanisme attendu étant que les baisses des taux de prélèvements augmenteraient l’activité, donc les assiettes sociales et fiscales et in fine les recettes publiques.
4. Le gouvernement et le ministre des Finances ayant à l’époque désigné un problème de recettes, tandis que le bilan de Cour des comptes (février 2025) concluait à un problème de dépenses, tout en listant quand même des difficultés fiscales.
5. Ce qui n’exclut pas quelques coups de rabot, qui ne peuvent tenir lieu de stratégie.
6. Qui n’a pas que des défauts, l’efficacité de la redistribution sur le taux de pauvreté par exemple, même s’il serait plus souhaitable que la distribution primaire des richesses produites appelle moins d’interventions.
7. Cf. B. Coquet (2017) Un avenir pour l’emploi, sortir de l’économie administrée. Ed. Odile Jacob.
8. Sur base d’indicateurs intégrant les loyers fictifs que paieraient ces foyers s’ils n’étaient pas propriétaires.
9. Les durées de carrières rapportées à la durée de vie ont continûment augmenté depuis le début des années 1990 : de 39,6 % pour la génération 1932 à 44,2 % pour la génération 1953 (dernier point connu). Données hors majorations de durée d’assurance. Drees (2024) p. 103.
10. Cf. Éric Chaney (2023) « les Trente Glorieuses, ce n’était pas une sinécure ». Telos.
11. La réforme Balladur : passage de 150 à 160 le nombre de trimestres nécessaires pour valider une retraite à taux plein, moyenne des salaires portés au compte des 25 meilleures années (10 auparavant) actualisés avec l’inflation plutôt que le salaire moyen, idem pour les revalorisations annuelles sur base de l’inflation plutôt que du salaire moyen.
12. Insee (2025) Comptes nationaux trimestriels. On peut dire qu’une partie du sous-emploi est subie (ce qui est beaucoup moins vrai dans la période actuelle). Il faudrait aussi se mettre d’accord quant à savoir si la hausse de la quantité totale de travail créerait de la richesse et des emplois, si la hausse de la durée individuelle détruirait des emplois ou serait neutre, etc.
13. Le pic a été atteint en 2015 14,1 % (COR Rapport annuel 2024, p. 87.) Les dépenses vieillesse se montaient déjà à 12,5 % du PIB en 1985, dont 1,2 % pour les préretraites (INSEE, 1995, Les revenus sociaux 1981-1994, Collection Synthèses, p. 21). Le nombre de cotisants rapporté au nombre de retraités (1,71 en 2023) a dans le même temps fortement diminué et va continuer de baisser.
14. COR Rapport annuel 2024 p. 120. et Drees (2024) Les retraités et la retraite p. 103. L’économie de contributions sera pour eux considérable.
15. COR (2024) Rapport annuel p. 125.
16. En 1980, 2/3 des hommes de chaque génération commençaient leur vie active par une année de service militaire, soit l’équivalent d’une année de revenus taxée à 100 % (environ 5 milliards d’euros de cotisations par an si on évalue leur salaire moyen au SMIC).
17. Évalués à leur prix de rachat en euros 2024. Cf. B. Coquet (2024) « Apprentissage : 4 leviers pour reprendre le contrôle » OFCE, Policy Brief n° 135.
18. En 2023, 165 000 sortants d’apprentissage ont ouvert un droit à l’assurance chômage, cf. Unedic (2024) « Apprentissage et assurance chômage : éléments de suivi » En Bref.
19. Différence entre le coût du travail (super-brut) et le salaire net après impôt.
20. La dépense intérieure d’éducation évolue autour de 7 % du PIB depuis 1980 (DEPP, Repères et références statistiques 2024)
21. Le rythme de croissance de la productivité a été divisé par deux : 2 % dans les années 1980, 1,4 % dans les années 1990, et 1 % dans l’hypothèse centrale projetée par le COR (souvent jugée optimiste). C’est un phénomène commun aux pays industrialisés mais particulièrement marqué en France.
22. L’OCDE calcule un taux de rendement interne de l’éducation tertiaire comme l’écart entre le coût de l’éducation (en France pour l’essentiel financé par les contribuables) et les bénéfices privés qu’en retirent les individus (écart de salaire). En France, ce taux est de l’ordre de 20 %. (OCDE, Regards sur l’éducation 2024, p. 114). À cela s’ajoute le caractère anti-redistributif du financement public des études supérieures, bien documenté dans la littérature économique.
23. Si, dans le système qui est le nôtre, on fait l’hypothèse que cette avance pourrait être remboursée à ces derniers au cours des 10 premières années d’activité, la dette pendante représente 2 700 milliards d’euros (dont 600 milliards d’euros pour l’enseignement supérieur), soit presque toute la dette du pays.
24. Insee (2024) Compte de patrimoine des administrations publiques en 2023. Le patrimoine des administrations publiques était composé d’actifs non financiers (2 800 milliards d’euros en 2023) et d’actifs financiers (1 700 milliards d’euros). Au passif, la dette publique pesait environ 3 100 milliards d’euros sur un total de 3 700 milliards d’euros. Le patrimoine net approche 800 milliards d’euros. À un taux d’intérêt apparent identique à celui payé sur la dette publique, le rendement de ces actifs publics dépassait 65 milliards d’euros en 2023.
25. Aujourd’hui, le budget de l’État ne comptabilise que des charges de fonctionnement, mais si par exemple un collège était loué à l’Éducation nationale, d’un côté l’État recevrait un loyer, de l’autre, il affecterait cette ressource au budget de l’Éducation nationale. Recettes et dépenses seraient rehaussées d’un même montant, mais le revenu du patrimoine et le transfert qu’il implique apparaîtraient. Cette notion s’apparente à celle de « loyer imputé » qui rehausse le revenu des retraités et motive en partie les propositions de taxation actuelles. Des recettes de cette nature existent probablement dans différents programmes du budget de l’État, mais à la marge, et elles ne sont pas consolidées.
26. Nous traitons en même temps ces deux ensembles, car selon les sources (Jaune Budgétaire « enfance », Haut Conseil de la famille, etc.) leurs périmètres se recoupent.
27. Chopard & al. (2025) « Fin 2020, les dispositifs de solidarité représentent 20 % des dépenses de retraite », Les dossiers de la Drees, n° 130. Évaluent ce montant à 60 milliards d’euros en 2020, le chiffre est ici actualisé avec le même taux de croissance que les droits directs.
28. Les recettes fiscales affectées au FSV se montaient à 19,3 milliards en 2023.
29. Pilorge & al. (2020). « Au titre de la politique familiale, les dépenses sociales et fiscales liées aux enfants atteignent 4,7 % du PIB en 2017 », Comptes de l’enfance. Les Dossiers de la DREES, n° 50.