INTERVIEW
DANS LA MESURE OÙ LA VACCINATION EST DEVENUE UN ACTE QUE CE SONT PARFAITEMENT APPROPRIÉS LES PHARMACIENS, IL SERAIT INCONCEVABLE DE NE LAISSER QUE LE CHAMP DE LA GRIPPE…

Olivier Rozaire

PHARMACIEN
PRÉSIDENT DE L’URPS AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
PRÉSIDENT DE L’USPO LOIRE

Depuis le 15 octobre dernier, les pharmaciens ont l’opportunité de vacciner contre la grippe tous les adultes ciblés par les recommandations vaccinales, sur l’ensemble du territoire. À cet égard, Olivier Rozaire, Président  de l’URPS Pharmaciens Auvergne-Rhône-Alpes et Président de l’USPO Loire, s’est livré à une interview pour le CRAPS afin de faire un bilan de cette première campagne. 

Jusque-là réservée aux médecins et aux infirmiers, la pratique de la vaccination antigrippale a été élargie à la pharmacie sur tout le territoire après avoir été expérimentée au sein de plusieurs régions tests, et notamment en Auvergne-Rhône-Alpes. Quel est le bilan de cette expérimentation ?

Le bilan de l’expérimentation a montré l’intérêt des patients pour un parcours simplifié de la vaccination, ce qui a permis la généralisation de cette vaccination pour la saison 2019-2020 à tout le pays. Marquant aussi un engouement très fort des officinaux puisque 85 % des pharmacies, dès la première année, se sont mises à cette nouvelle mission. Avec 2,5 millions de vaccinations en Officine cette année, soit 30 % des actes réalisés, les patients ont confirmé ce qui s’était passé dans le modèle expérimental. Ce chiffre montant d’ailleurs à 40% en Auvergne-Rhône-Alpes qui en est à sa troisième saison de vaccination. 

La campagne nationale de vaccination contre la grippe pour 2019-2020 a été lancée le 15 octobre dernier. Les pharmaciens ont pu vacciner les adultes faisant l’objet de recommandations vaccinales. Le dispositif de vaccination en officine a-t-il permis d’améliorer la couverture vaccinale des personnes à risque ?

Santé Publique France ne publiera les résultats qu’en mars, mais la tendance dessinée les années précédentes s’est confirmée à savoir que la courbe de la couverture vaccinale est repartie à la hausse. Bien que trop modérément pour cette année de généralisation, mais il faut laisser le temps au dispositif de se mettre en place.

Concernant ce dispositif de vaccination, des améliorations sont-elles envisageables et sur quoi ces dernières devraient-elles porter ?

L’amélioration principale porte sur le refus que les pharmaciens ont du faire pour les personnes qui ne sont pas dans les cibles des recommandations vaccinales. C’est-à-dire les adultes en bonne santé. Étonnant dans la mesure où certains voulaient se faire vacciner pour protéger leur famille. Et que les jeunes adultes sont ceux qui s’immunisent le mieux. Une barrière réglementaire qu’il convient d’enlever très rapidement afin de ne plus avoir à refuser cet acte et contribuer au mieux à la protection de toute la population.

La vaccination antigrippale témoigne d’une nouvelle orientation de la pharmacie d’officine dans l’accompagnement du patient. La mise en œuvre de ce dispositif ouvre-t-elle la voie à un parcours de soin complémentaire au parcours existant, dont la pharmacie pourrait être le premier accès ? 

Ce sujet a surtout permis de mettre en évidence le besoin des patients d’un parcours simple. Surtout au regard de certaines difficultés d’accès aux soins. Des millions de français n’ont pas de médecins traitant, et d’autres n’ont pas toujours un accès facile. Comme les étudiants qui ne vivent pas forcément à côté de leur domicile, ou les actifs en déplacement. Il est donc nécessaire de proposer des solutions permettant un meilleur accès aux soins sur tout le territoire. Et la pharmacie est, me semble-t-il, la mieux positionnée. 

Dans une ambition d’amélioration de la qualité des soins, doit-on envisager à terme une extension à d’autres vaccinations et à une population plus large ?

Dans la mesure où la vaccination est devenue un acte que se sont parfaitement approprié les pharmaciens, il serait inconcevable de ne laisser que le champ de la grippe. Notamment au regard de la couverture vaccinale trop faible sur l’ensemble des vaccinations de l’adulte et du jeune adolescent. Le pharmacien doit pouvoir accompagner le patient dans son calendrier vaccinal, en le surveillant et en le mettant immédiatement à jour si besoin. De plus, toutes les années, on observe des campagnes de vaccination de crise (Méningite, Rougeole, et récemment Pneumocoque), les pharmacies sont parfaitement adaptées à répondre à ces demandes de campagnes intensives et localisées de vaccination. Ce qui, actuellement est fastidieux et coûteux à mettre en œuvre.

Le pharmacien devient un acteur de santé publique de plus en plus important en matière de prévention par les nouvelles missions qui lui sont conférées, la profession est en pleine transformation. Selon vous, quelle sera la place et le rôle du pharmacien dans l’écosystème de demain ?

C’est une vaste question. Le système de santé, par la volonté du Ministère, mais aussi par la modification de l’offre de soins, est en pleine transformation. La présence de pharmacies sur l’ensemble du territoire, avec une accessibilité de quasiment 6 jours sur 7, confère un rôle majeur aux officines dans l’écosystème de demain. Notamment sur le premier recours. Première porte de l’accès aux soins, le pharmacien doit être celui qui répond de manière rapide et facile aux premières demandes, et aux problématiques simples et essentielles. Avec un rôle d’orientation du patient dans le parcours de soins. Accompagnant aussi les patients chroniques dans le suivi de leur pathologie. Premiers soins, vaccinations, accompagnement, orientation, et écoute. Dans une organisation coordonnée avec les autres professionnels, et reconnue par les autorités.