Et si ...

Par François Blanchecotte
Président du Syndicat National des Biologistes et 1er Vice-Président des Libéraux de Santé

Et si nous décidions enfin de nous tourner vers une réelle prévention ?…

La prévention est l’affaire de tous, mais aussi surtout de chacun d’entre nous. Pour qu’elle soit efficace, elle doit être perçue dès le plus jeune âge, car investir dans la prévention est une nécessité absolue au vu des dépenses de santé croissantes des États et du coût de plus en plus onéreux pour traiter des maladies par des médicaments ciblés et personnalisés.

Alors comment s’y prendre alors que les Pouvoirs publics n’ont pas mis à ce jour les budgets suffisants pour y parvenir ?

La situation actuelle est caractérisée par une mosaïque de décisions, de projets, d’article 51 et bien d’autres, le tout arbitré par un grand nombre d’administrations et de services avec une mise en œuvre et une communication nationale pour certaines thématiques telles que le tabac, l’alcool et les accidents de la route.

Concernant des maladies telles que le cancer, les accidents cardio-vasculaires ou cérébraux, marquées par un nombre élevé de morts, les politiques de prévention et les campagnes de communication ne sont pas à la hauteur des enjeux. Résultat, la population ne perçoit pas vraiment ni leurs causes, ni leurs effets.

Or, parmi la vaste famille des cancers, certains d’entre eux ne seraient pas difficiles à éviter. Le meilleur exemple est celui du cancer du col de l’utérus chez la femme. La vaccination des enfants, y compris des enfants masculins, a été instituée dans certains pays et ce cancer y a reculé de façon magistrale.

Toutefois, décider est une chose mais mettre en application en est une autre. Les acteurs pertinents pour le faire sont peu sollicités, la confiance n’est pas accordée naturellement, y compris dans la santé. Il a ainsi fallu beaucoup d’abnégation aux chirurgiens-dentistes pour entrer vraiment dans des cycles de prévention des caries chez les enfants.

Certes, il est sain de se regarder et de constater que nous ne sommes pas satisfaits. Mais alors que faire ?

En France, tout est lié : décisions sociales, politiques de santé et de financements. Or, la crise de la Covid l’a montré : il faut qu’il n’y ait qu’un pilote dans l’avion. Si les décisions ne sont pas engagées de façon commune, on se disperse et l’efficacité n’est plus au rendez-vous.

Un MINISTÈRE unique Social, Médical et Solidaire (SMS), qui, de surcroit, gère ses dépenses sans être continuellement soumis aux arbitrages du ministère des Finances serait une solution. Il ne s’agirait pas d’abandonner la maîtrise des compte de la Nation et leur consolidation. Mais il faudrait à ce ministère des recettes et une autonomie qui lui permettent de fonctionner et de mettre en place des politiques de prévention à long terme à la mesure des enjeux nationaux.

La prévention doit être effective dès le plus jeune âge et graduée en fonction des sujets à traiter. Pour réussir, il est nécessaire de déterminer au plus haut niveau les secteurs sur lesquels elle portera. On ne peut pas tout faire en même temps et dans toutes les directions. Il faut être capable de hiérarchiser et de prioriser les actions.

L’alimentation fait partie des priorités. Elle permet en effet de prévenir les causes d’obésité. L’environnement végétal ou animal est également essentiel puisqu’il joue directement, nous en avons maintenant la preuve, sur la prévention des maladies. Enfin, un travail sur nos comportements et sur leurs conséquences est indispensable. Santé sexuelle, physique, psychique, méfaits du tabac et de l’alcool y sont étroitement liés.

Tout cela peut être mis en place grâce à l’Éducation nationale, mais aussi via des interventions des professionnels dans les écoles, collèges et lycées, voire les universités et les grandes écoles. Notre monde est unique et pour le préserver, il faut avoir des politiques volontaristes nationales déclinées au plus près des enfants et des personnes.

La communication écrite, voire orale, n’est pas suffisante. Les réseaux sociaux identifiés et référencés doivent être utilisés. Nous en sommes aux prémices, mais elle doit être fortement développée. Tout doit cependant partir d’un consensus sur les éléments de langage à diffuser, quels que soient les médias utilisés : spots télévisés, fiches ou dessins animés sur Internet…

Mais aucun résultat ne sera obtenu sans la participation de personnes convaincues, présentent sur le terrain, capables de développer des échanges par des jeux, des ateliers… et l’engagement d’associations capables de diffuser le message partout et avec qualité.

Ensuite, le relais peut être pris par l’État qui peut mettre en place le dépistage des personnes à risque, leur prise en charge et leur accompagnement afin d’éviter la survenue de la maladie, toujours plus coûteuse socialement et financièrement.

La prévention est bien l’affaire de tous, nous devons être des acteurs de la prévention dans nos métiers, nos comportements et vis-à-vis des personnes qui n’ont pas les connaissances ou les moyens pour l’instituer. C’est comme cela que nous réduirons nos dépenses de santé et que nous pourrons les consacrer à soigner des maladies plus rares ou émergentes.