Et si ...

Proposition collective présentée par Anaïs Fossier
Responsable des études du CRAPS

Et si on se redonnait les moyens d’avoir une recherche médicale d’excellence ?…

… La France, dans un monde hautement concurrentiel, en évolution rapide et constante, peine à asseoir son positionnement sur la scène internationale. Elle ne parvient pas non plus à s’imposer comme un leader au niveau européen. Malgré de nombreux atouts et domaines d’excellence, son recul en matière de recherche médicale dénoncé depuis longtemps déjà est inquiétant. Notre manque d’efficacité dans la recherche de vaccins contre le SARS-CoV-2 illustre le retard français par rapport à d’autres pays où bon nombre de nos chercheurs se sont d’ailleurs expatriés. Si rien n’est fait des pays tels que la Chine et les États-Unis s’imposeront inévitablement et sans retour en arrière possible comme les leaders mondiaux en santé. Ce constat exige des réponses afin que chacun puisse accéder rapidement à des thérapies innovantes et bénéficier du progrès médical auquel notre pays doit contribuer. Si plus personne ne conteste la nécessité de soutenir la recherche médicale française, il est désormais crucial qu’elle s’inscrive dans une volonté et une action politique fortes.

Notre système est aujourd’hui fragilisé par une hypertrophie réglementaire et administrative. La multiplication des normes entraîne d’innombrables lenteurs alors que le progrès médical se diffuse rapidement et induit des comportements peu dynamiques des acteurs. Il est alors impératif de leur redonner de la liberté, de les libérer de ces trop nombreuses contraintes pour qu’ils puissent au mieux développer leurs projets, découvrir et innover. La crise Covid a d’ailleurs montré l’intérêt et la nécessité de faire bouger les lignes en la matière. En accélérant considérablement les procédures les patients ont été intégrés plus rapidement dans les essais permettant in fine à la France de se positionner au second rang mondial en matière de recherche sur la Covid en avril 2020. Ces modalités de fonctionnement de « temps de crise » doivent perdurer pour améliorer l’accès à la recherche clinique. La France doit impérativement redevenir attractive sur les essais cliniques et en particulier dans les phases précoces de développement. Si tel n’est pas le cas, le préjudice sera considérable pour les patients qui ne pourront pas avoir accès à des thérapies innovantes, en amont d’une mise sur le marché. Les procédures actuelles doivent par conséquent être allégées et simplifiées.

Retrouver une place de premier plan sur la scène internationale suppose par ailleurs que les acteurs et leurs projets ne se retrouvent pas prisonniers des « labyrinthes institutionnels ». L’organisation de la recherche est en effet complexe compte tenu du nombre de structures impliquées et de leur fonctionnement en silos. Si la qualité des chercheurs ne fait pas débat, le système dans lequel ils évoluent est en revanche contesté. Le manque de lisibilité des responsabilités, la complexité de la gouvernance, l’éclatement organisationnel, sans parler de la perte d’attractivité pour les carrières hospitalo-universitaires et le manque de transversalité entre le public et le privé, sont autant de facteurs qui éloignent les chercheurs et dissuadent les grandes entreprises du médicament et les investisseurs du privé de développer leur activité en France.

Les systèmes actuels ne sont ni propices à l’innovation ni à la prise de risque et conduisent in fine de nombreux chercheurs à partir à l’étranger. Le système public notamment universitaire doit urgemment opérer un changement de braquet pour revoir ses mécanismes de fonctionnement et regagner en attractivité. Plus globalement, les interactions entre les acteurs doivent s’intensifier dans le cadre d’une action de proximité pour une recherche d’excellence et compétitive. L’approche territoriale ne peut plus être considérée à la marge. Les territoires sont en effet des espaces qui permettent aux acteurs de terrain de développer des projets adaptés aux spécificités propres au territoire au sein duquel ils exercent. À titre d’exemple, la Région dispose de moyens d’action de proximité et d’une agilité que le niveau national n’a pas toujours. En connaissant parfaitement son écosystème elle est en capacité de mettre les acteurs en réseau.

Autres freins bien connus à l’attractivité : le manque de perspective d’évolution professionnelle dans le champ de la recherche et le cloisonnement des parcours entre la recherche publique et privée. Au regard de ce constat, les liens entre le public et le privé gagneraient à être renforcés et la pluridisciplinarité à être encouragée. Le fonctionnement en silos ne peut plus être la règle. Les parcours croisés doivent être favorisés et valorisés. Il est alors fondamental de sortir d’une logique concurrentielle mortifère pour la recherche et de passer à une logique de partenariat entre les acteurs des territoires. Dans cette optique, les barrières réglementaires et idéologiques entre la recherche publique et privée, entre les statuts et les contrats, doivent être levées.

Enfin, la reconquête de l’attractivité et de la compétitivité de la recherche française à l’international ne pourra se faire sans un positionnement fort de la France sur les questions du numérique et de l’IA puisque nous le savons, la médecine de demain reposera très largement sur l’étude et l’exploitation des données. Elle ne pourra pas non plus se faire sans un investissement conséquent dans les innovations de rupture qui se traduisent certes par des coûts immédiats élevés mais génèrent des développements économiques sur le long terme. Plus globalement, la recherche médicale souffre d’un déficit financier structurel qu’il faut rattraper. Pour rester dans la course et redevenir compétitive, la France doit retrouver une véritable capacité d’innovation et lever les freins réglementaires, structurels et culturels qui l’entravent encore trop souvent.

Alors, et si on se redonnait les moyens d’avoir une recherche médicale d’excellence ? La France redeviendrait porteuse de solutions innovantes pour les patients, elle redeviendrait une terre d’innovation, de découverte et d’accueil pour les chercheurs et les industriels !