Tribune

Un changement de paradigme dans l’approche environnementale du secteur du médicament permettrait de contribuer à un système de santé écologiquement viable, économiquement durable, à la fois innovant et solidaire

PATRICE CARAYON
Président de Chiesi France

« Le changement climatique est identifié comme le plus grand risque, et la plus grande opportunité pour la santé publique du 21e siècle » souligne l’Organisation mondiale de la Santé.

Agir en faveur du développement durable et réduire l’empreinte carbone des activités industrielles est aujourd’hui devenu un axe fort de communication pour la majorité des entreprises du médicament.

Notre enjeu collectif repose désormais sur notre capacité à intégrer pleinement ces enjeux environnementaux et sociétaux, au cœur de nos stratégies d’entreprises. Dans cette perspective, le cadre des sociétés à mission offre une nouvelle dynamique, plus vertueuse et pérenne. Nous pouvons réussir à conjuguer innovation thérapeutique, pour que les patients puissent continuer à bénéficier des traitements les plus adaptés à leurs besoins, et transition écologique.

En tant qu’entreprise de santé, notre mission au service des patients dépasse le développement et la mise à disposition de traitements. C’est un engagement en faveur de la vie, tourné vers l’avenir de notre planète et des générations futures. Nous portons à ce titre une responsabilité sociale, sanitaire et économique singulière.

Un changement de paradigme dans l’approche environnementale du secteur du médicament permettrait de contribuer à un système de santé écologiquement viable, économiquement durable, à la fois innovant et solidaire. Il permettrait d’engager une réflexion nouvelle sur la performance globale de nos entreprises.

Il suppose également une approche multipartite et un effort combiné entreprises/pouvoirs publics, ainsi que la mobilisation du patient-citoyen.

Par réciprocité, et parce que les déterminants climatiques et environnementaux ont un impact direct sur notre système de santé, il paraît essentiel que les politiques de santé intègrent cette notion dans les choix stratégiques opérés.

La Société attend de notre secteur des engagements forts. Faire le pari de l’innovation médicamenteuse et environnementale est une formidable opportunité pour l’avenir.

Enjeu n°1 :

L’innovation en faveur de modèles de production et de nouvelles solutions médicamenteuses éco-responsables gagnerait à être soutenue et encouragée par les pouvoirs publics, au même titre que l’innovation thérapeutique.

Cette approche contribuerait à façonner la santé de demain et à améliorer la qualité des soins dispensés aux patients.

Propositions :

• Favoriser le « produit responsable » : introduire une plus grande prise en compte de la chaîne de valeur (R&D, matières premières, lieu de transformation/fabrication finale) et son empreinte carbone totale dans les critères de fixation du prix du médicament. 

• Mettre en place un système d’incitations à destination des prescripteurs, visant à favoriser le choix d’un médicament éco-responsable lorsque deux produits sont à valeur médicale équivalente.

• Engager une réflexion collective sur la mise en place d’un éco-score spécifique au secteur du médicament dans la continuité des débats de la convention citoyenne pour le climat et de la loi « Climat et Résilience ».

• Identifier les solutions thérapeutiques davantage respectueuses de l’environnement et tenant compte des critères de production « locale », de l’empreinte carbone minimum etc.

Enjeu n°2 :

La crise de la Covid-19 a accéléré les vulnérabilités déjà présentes dans le secteur industriel de la santé, notamment notre dépendance vis-à-vis de pays tiers en matière de principes actifs, ou de médicaments dits essentiels.

Ce constat nous impose de réagir en renforçant la résilience des différentes chaînes de valeur, et en favorisant les conditions d’une souveraineté industrielle en santé.

Aux côtés de ses alliés européens, la France pourrait porter ce sujet dans le cadre de la présidence de l’Union européenne de 2022, et créer un effet d’entraînement ambitieux : il s’agirait de bâtir un standard européen qui prenne en considération l’impact environnemental, social et de gouvernance des entreprises dans le secteur de la santé.

Propositions :

• Créer un cadre favorable pour soutenir les entreprises engagées afin de permettre un effet d’entraînement en :

– Augmentant la part des critères RSE dans les appels d’offres hospitaliers à hauteur de 30 % (vs 5 % aujourd’hui).

– Favorisant les médicaments produits en Europe au travers de la stabilité de prix et des appels d’offres, lorsque ce choix est possible.

– Intégrant dans l’évaluation du médicament les investissements menés pour réduire l’impact environnemental des sites de production.

• Mettre en cohérence les engagements et les actes : concrètement, il s’agirait de rendre visibles et lisibles les données environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises du secteur du médicament au travers d’outils communs dédiés, à l’instar de la plateforme IMPACT mise en place par le gouvernement en mai dernier.