recherche médicale les idées des acteurs
Une modification de la recherche et des travaux de publications doit être entamée pour la rendre encore plus vivante, attractive, et prometteuse

Pr Jean-Noël Argenson, Pr Matthieu Ollivier & Dr Christophe Jacquet

Chef de service à l’Institut du mouvement et de l’appareil locomoteur au CHU de Marseille
Institut du mouvement et de l’appareil locomoteur au CHU de Marseille
Interne des hôpitaux à l’institut du mouvement et de l’appareil locomoteur au CHU de Marseille

Le souhait d’un jeune médecin à la fin de son parcours d’interne des hôpitaux avec une appétence pour la recherche médicale : devenir un médecin-chercheur. Cela commence par une envie : Chercher ! Même si la recherche peut s’appréhender au cours de son parcours d’étudiant en médecine, le goût de la recherche relève souvent d’un déclic. Les sociétés savantes offrent la possibilité à de jeunes médecins de partager leurs travaux devant leurs pairs, et c’est à cet instant que l’on peut souhaiter un jour être à leur place, pour présenter le fruit de nos recherches. Cela se poursuit par des rencontres : Les Mentors ! Il existe un véritable fossé entre vouloir chercher et savoir chercher. Définir et élaborer un protocole de recherche relève, au début, du parcours du combattant. C’est à ce moment clé que l’on se rend compte que la recherche n’est pas une discipline individuelle mais bien collective. On a, ou pas, la chance de rencontrer au cours de son internat, une équipe qui, non seulement nous enseigne la façon de pratiquer la chirurgie, mais également nous inculque le goût de la recherche. C’est là tout le rôle de nos mentors, qui nous orientent sur cette route bordée d’échecs en nous évitant la facilité qui serait d’abandonner. 

Cela se concrétise par l’intégration : L’équipe de recherche !

La recherche médicale, particulièrement en chirurgie, a connu des progrès importants et a su s’ouvrir à d’autres spécialités mais aussi travailler avec d’autres scientifiques que sont pour nous les ingénieurs en biomécanique, robotique ou intelligence artificielle. L’intégration à un laboratoire pluridisciplinaire constitue une étape importante pour le jeune médecin-chercheur idéalement dans un institut regroupant des soins au sein d’une même thématique, et des structures affiliées à des organismes régionaux et nationaux tels que l’Université, le CNRS et l’Inserm. Cela se nourrit par des voyages hors des sentiers-battus : La Mobilité ! Tout jeune médecin s’orientant vers une carrière hospitalo-universitaire est amené à réaliser une « mobilité universitaire » d’un an. On peut le vivre comme une opportunité de réaliser cette mobilité à l’international afin de rencontrer des cultures scientifiques différentes, tisser des liens durables avec des experts reconnus et également consolider sa pratique de la langue anglaise, facteur indispensable de diffusion des travaux de recherche.

Le souhait d’un médecin-chercheur, nommé professeur des universités-praticien hospitalier, ayant une implication dans l’enseignement à la faculté et en capacité à diriger des recherches au sein d’une équipe : publier des articles scientifiques originaux et utiles pour ses pairs dans des revues majeures avec une charge de travail raisonnable. Il a pris à son compte la pression grandissante à la publication : “publish or perish” ! La communication scientifique des travaux de recherche peut, en effet, prendre la forme de communications orales ou de publications scientifiques, nécessitant plus d’efforts. L’achèvement de cet objectif implique plusieurs conditions que sont l’originalité du propos, la robustesse de la méthode, la clarté des résultats et la rigueur de l’argumentation scientifique. Cette « récompense » que constitue la publication va permettre au médecin-chercheur d’obtenir des fonds pour sa recherche, de contribuer au rayonnement de son service, d’intégrer des sociétés scientifiques et de se bâtir une réputation internationale.

Il réalise les contraintes grandissantes imposées à la recherche médicale ! La recherche clinique a longtemps consisté en la réalisation d’études observationnelles rétrospectives et les innovations chirurgicales apportant des changements majeurs comme la prothèse de hanche permettant de remarcher, sont rares. Des études de fort niveau de preuve sont nécessaires avec un temps moyen entre rédaction du projet, recueil des données et publication de plusieurs années. Les récentes modifications de texte de loi ont alourdi les processus imposant une consultation du comité de protection des personnes, avec la nécessité d’avoir un promoteur souvent difficile à convaincre dans les structures de soins. Même la réalisation d’études rétrospectives va devenir difficile dans le contexte de l’application du règlement général sur la protection des données. Il s’adapte aux nouveaux atouts de la recherche médicale ! Une modification de la recherche et des travaux de publication doit être entamée pour la rendre encore plus vivante, attractive, et prometteuse. Le médecin-chercheur doit faire en sorte d’intégrer à sa recherche médicale toutes les compétences favorisant l’innovation telles que : les outils de simulation numérique et leur implication dans l’éducation des jeunes médecins, l’analyse des bases de données locales et nationales, ou l’étude des données chirurgicales telle que la courbe d’apprentissage d’une technique.

Le souhait d’un médecin-chercheur professeur des universités-praticien hospitalier et chef de service, de pôle ou d’unité de recherche : la mise en place des conditions nécessaires à une recherche médicale de qualité au service du patient et assurant une transmission du savoir à travers les générations. Il doit assumer son premier rôle dans la recherche médicale : donner envie ! Le goût de la recherche médicale est essentiel à sa pérennité et l’incitation des plus jeunes passe par une implication qui ne doit pas faiblir, même si celle-ci se transforme au fil du temps avec un rôle d’encadrement et d’organisation. C’est toute la difficulté de la recherche médicale actuelle, où l’organisateur passe souvent plus de temps à mettre en place les conditions d’une recherche médicale fluide, d’une activité de soins optimale, et d’aide à la mobilité universitaire plutôt qu’à insuffler de nouvelles idées. C’est là que les pouvoirs publics et les gouvernances d’institutions doivent jouer leur rôle afin de les soulager des contraintes organisationnelles et leur permettre de se recentrer vers leurs missions de direction des travaux de recherche.

Il doit comprendre une notion essentielle de la recherche médicale appliquée : la proximité !

La notion d’équipe est celle qui permet de répondre au mieux aux contraintes décrites ci-dessus et son rôle dans la constitution de l’équipe est primordial mais aussi dans la façon de la faire vivre avec une contribution propre de chacun au service de tous. Si la proximité humaine favorise la cohésion, la proximité géographique des composantes transversales de la recherche est essentielle avec, sur le même lieu, l’association soignant, chercheur, patient garante d’une recherche médicale clinique et fondamentale de qualité.