En réalité, les 35 heures n’ont pas réduit le chômage mais ont contribué d’une part à la désorganisation des organismes publics en portant un mauvais coup à la conception même du service public à la française et ont coïncidé au décrochage du secteur privé au sein de la concurrence internationale

« De la croissance, encore de la croissance, toujours de la croissance » pourrait-on s’époumoner, comme le révolutionnaire Danton qui lui, proposait de l’audace, toujours de l’audace, encore de l’audace pour asseoir la Révolution. De la croissance pour « inverser la courbe » ! Encore de la croissance pour maintenir et plus encore garantir un niveau élevé de Protection sociale à nos compatriotes, toujours de la croissance pour réduire les inégalités ! Par un pied de nez dont seule l’Histoire a le secret, n’y-aurait-il pas de l’audace à réclamer cette croissance, à comprendre enfin, après tant d’errements, d’entêtements, d’expériences stériles que seule l’Economie et non le Social et encore moins l’Administratif est la solution tant attendue ! Nicolas Sarkozy alors Président de la République, voulait aller la chercher avec les dents et son successeur, François Hollande à l’optimisme légendaire comptait sur « l’alignement des planètes1 »pour, en fin de compte, résoudre ce problème né dans les années 70… On sait ce qu’il en est advenu !

En réalité, au regard de 40 ans de politique publique de l’emploi ce ne fut qu’une succession de choix plus surprenants les uns que les autres, uniques en Europe… La France ne vivrait-elle que par exception ? A commencer, à travers celle de la préférence pour le chômage.

« Nous avons assumé la crise, depuis le milieu des années soixante-dix, grâce à un consensus social fondé sur le partage des revenus à travers les transferts sociaux plutôt qu’à travers le travail : les hauts niveaux de rémunération (salaires et cotisations) et de productivité des actifs occupés favorisaient la progression du chômage non qualifié…Le chômage était et demeure l’effet d’une préférence collective, d’un consensus inavoué2… ».

Et très logiquement ensuite par celle du partage du temps de travail, pour continuer !

Certes, la baisse du temps de travail s’inscrit dans une tendance historique. Vieille idée que de partager le travail au nom du progrès social guidé par l’heureuse mise à mal de l’exploitation de l’Homme par l’Homme, tant pour le repartir égalitairement au sein de la société, devant la montée du chômage, que donner du temps libre à chacun pour son épanouissement personnel3. Déjà More et son Utopie4 avaient jeté les bases de ce qui allait être des siècles plus tard en France pour les uns le remède miracle au fléau de notre société, pour les autres une escroquerie intellectuelle et une aventure économique suicidaire… Traduction politique : « Une des plus graves erreurs économiques produites dans notre pays5 », « un bilan positif6 »

C’est donc le gouvernement Jospin, bénéficiant d’une croissance digne des Trente glorieuses, il y a près de 20 ans qui va mettre en place cette mesure issue plus de l’idéologie, de la certitude à tout le moins de la conviction que de la science économique. Car bien malin à ce jour celui qui oserait affirmer que l’objectif de création d’emplois dont les instigateurs se prévalaient à hauteur de 350 000, a été atteint durablement. Et bien malin celui qui serait en capacité de démontrer que cette mesure en a détruit 100 000 !  

Psychodrame au Medef avec le départ précipité de son Président Jean Gandois, refus obstiné de la CGT-FO au nom du sacro-saint pouvoir d’achat, satisfaction béate des syndicats dits d’accompagnement, les 35 heures sont entrées avec fracas dans le débat politico syndical français pour ne jamais, en 20 ans, en ressortir, faute d’une classe politique ayant peur d’elle-même !

Force est de constater que malgré cette mesure spectaculaire, le chômage n’a jamais cessé de croître sur la période, en parallèle et en dépit de contrats aidés massifs, toujours en numériquement en progression, coûteux par essence, exorbitants financièrement par nature, en parallèle et en dépit d’une politique d’allégement des coûts du travail qui atteindra quelques 40 milliards par an, quel qu’en soit les dispositifs choisis, en parallèle et en dépit d’une politique de formation à hauteur de 35 milliards à connotation plus consumériste que diplômante!

Ce que l’on sait également, par empirisme, c’est que les 35 heures ont désorienté des pans entiers de notre économie à commencer par l’Hôpital – la santé est la deuxième préoccupation des Français ! -, ont creusé les inégalités déjà criantes entre grandes entreprises et PME/PMI. Ce que l’on sait également par expérience, c’est que les programmes politiques qui prévoient le retour aux 39 heures hebdomadaires n’ont jamais été appliqués et que finalement au-delà de tout, la véritable richesse est désormais de bénéficier d’un travail !

En réalité, les 35 heures n’ont pas réduit le chômage mais ont contribué d’une part à la désorganisation des organismes publics en portant un mauvais coup à la conception même du service public à la française et ont coïncidé au décrochage du secteur privé au sein de la concurrence internationale. 

Finalement, les 35 heures ne seraient-elles pas un dernier soubresaut de l’hérésie économique que constitue la préférence française pour le chômage en s’inscrivant pleinement dans son traitement social. Partager le travail ou partager le chômage ? Ne répondant en rien à la première préoccupation des français (le chômage), portant préjudice à la deuxième préoccupation (la santé) la question, loin d’être une figure de style devrait trouver une réponse dans la rénovation politico économique que les français ont appelé de leurs voeux lors des derniers scrutins nationaux.

1 Cf. dossier central d’Hector Streby « Nécessaire mais pas suffisant ». CRAPSLOG du 16 janvier 2015.
2 Denis Olivennes. Revue le débat. « La préférence française pour le chômage ». 1994.
3 On notera la simultanéité de la création d’un ministère du temps libre et le passage aux 39 heures hebdomadaire – 1981 -.
4 1516.
5 Nicolas Sarkozy.
6 François Hollande.