Tribune

« L’égalité devant la comptabilité nationale devrait être un droit… constitutionnel ! »

Par Michel Monier,
membre du Think tank CRAPS, contributeur à la revue Politique et Parlementaire et ancien DGA de l’UNEDIC

Le sujet du « bon » classement, en comptabilité publique, du service des pensions civiles et militaires est un vrai sujet ! Quelle que soit la convention, le coût sera le même mais la chose sera plus claire. Le coût des retraites publiques sera clairement affiché et, en conséquence, le budget des missions sera, lui aussi, éclairé. La comptabilité publique, aujourd’hui en « partie trouble », et non pas en partie double, gagnera en lisibilité démocratique.

Ce débat sur les conventions comptables doit dépasser le périmètre des retraites des agents de l’État. C’est l’entier système des retraites publiques, des salariés du privé, des indépendants, des agriculteurs, les régimes spéciaux, qui doit passer au tamis des conventions.


Quelle convention, ou quelle habitude, fait présenter comme un tout les droits acquis sur contribution, les droits dérivés, les prestations de solidarité et les illisibles compensations entre « caisses » ? Quelle convention, ou pratique « de bureau », fait ne pas afficher la part de solidarité financée par les cotisations salariées ?

L’égalité devant la comptabilité nationale devrait être un droit… constitutionnel !


Un commissaire aux comptes qui serait chargé de la certification des comptes de la branche vieillesse pourrait-il engager sa signature pour certifier « que les comptes annuels sont réguliers et sincères et qu’ils donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice » ? La réponse, c’est la Cour des comptes qui nous la donne : « La Cour certifie avec réserve les comptes de la branche vieillesse et ceux de la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ». (Rapport de certification des comptes du régime général de la sécurité sociale et du CPSTI – 2024). Une réserve est également mise pour la branche recouvrement – ACOSS : « La Cour constate que les comptes de l’activité de recouvrement de l’exercice 2024 sont affectés par une anomalie significative » (rapport 2024, p.14).

Notre commissaire aux comptes, rompu aux arcanes de la comptabilité privée et quelque peu effronté, pourrait certifier que « les comptes annuels donnent une image fidèle de l’erreur ».

Le débat, ouvert par des experts de la comptabilité nationale, sur les conventions comptables relatives aux cotisations retraites et subventions de l’État employeur, est un heureux débat qui ne doit pas rester un débat d’experts cantonné aux retraites publiques.

Pour réformer, il faut savoir ce que l’on veut réformer et pourquoi on le réforme. Cela n’impose-t-il pas de dire, d’abord, ce que financent les cotisations sociales, ce que finance l’impôt ; de dire ce que sont les prestations d’assurance, les prestations de solidarité ? Quand le consentement à l’impôt et aux cotisations sociales est affaibli, il ne l’est pas seulement pour leur montant, il l’est aussi parce que le contribuable-cotisant, devenu individu-consommateur, attend un « retour » de ses contributions, il en attend un service davantage qu’un service public.

Quand les réformes restent paramétriques et universelles (bornes d’âges, durée de cotisation, taux de remplacement), elles ignorent que le travail et les cotisations ne sont pas universels. Ces réformes universelles n’ajoutent-elles pas à l’embrouillamini du système dont le déficit et les sources de financement « par cotisations ou par impôts [sont] en cohérence incertaine avec les prestations servies » (Cour des comptes 2022) ? En cohérence incertaine ! La formule plairait à notre effronté commissaire aux comptes ! De nouvelles conventions comptables et le rétablissement des liens entre sources de financement et prestations diverses ne résoudront pas la question de la soutenabilité d’un système d’abord sensible à la démographie et au niveau de contribution sociale du travail. Mais, y voir clair et savoir de quoi on parle n’est-ce pas réunir les conditions d’une négociation honnête qui nécessite, d’abord, la transparence des informations ?

Si la mise en ordre des comptes de chacun des régimes de retraite n’est pas inscrite à l’agenda de l’Exécutif, l’est-elle à l’agenda économique et social paritaire autonome ?