PLUS QUE JAMAIS NOUS POUVONS OBSERVER À QUEL POINT LA COORDINATION ET LA SOLIDARITÉ DE L’ENSEMBLE DES ACTEURS DU SOIN CONSTITUENT LES CLÉS DE VOÛTE DE LA RÉPONSE SANITAIRE À LA PANDÉMIE

Anthony Valdez

DIRECTEUR DE L’ORGANISATION DES SOINS DE L’ARS PACA

À l’heure où j’écris ces quelques lignes, la circulation virale demeure active en dépit du confinement de la population et déjà se forme le bourdonnement sourd des futures polémiques derrière la clameur du 20h00 rendant hommage à nos professionnels de santé. Si l’exercice du bilan est un passage obligé en démocratie, il importe de le faire toujours avec distance, équilibre et honnêteté intellectuelle afin d’éviter excès et instrumentalisation.

Naturellement la crise à laquelle nous faisons actuellement face révèle quelques fragilités de notre organisation, mais elle souligne aussi et surtout une extraordinaire puissance d’adaptation de notre système hospitalier qui a su proposer en quelques jours de nouveaux circuits patients, des unités conventionnelles dédiées Covid, un volume plus que doublé de lits ventilés, de nouvelles organisations du travail, le déploiement d’outils numériques de télésurveillance ou de suivi des parcours ville-hôpital. L’hôpital sort de ses murs, à la rencontre notamment des EHPAD via ses services d’HAD ou ses équipes mobiles de gériatrie ; et, nécessité faisant loi, il accélère également à un rythme soutenu les orientations proposées par le Pacte de refondation des urgences : admission directe des personnes âgées sans passage par les urgences, monitorage des disponibilités en lits à l’échelle d’un territoire, articulation recherchée avec les acteurs de la ville pour assurer une cohérence dans les parcours – au point de faire des communiqués de presse commun, c’est dire à quel point cette crise fait tomber les murs -.

Autrement dit, la réforme systémique portée par « Ma Santé 2022 » est à l’œuvre. Plus que jamais nous pouvons observer à quel point la coordination et la solidarité de l’ensemble des acteurs du soin constituent les clés de voûte de la réponse sanitaire à la pandémie.

Si l’amnésie sélective fait souvent partie du tableau clinique post-crise, c’est là un premier enseignement fondamental qu’il faudra largement valoriser car cela valide définitivement la stratégie de réorganisation structurelle du système de santé à poursuivre, à amplifier : un système décloisonné organisé autour du parcours patient.

De la même façon, les démarches entreprises autour de l’efficience des organisations hospitalières devront se poursuivre d’autant plus que les hospitaliers font ici la démonstration d’une grande agilité en la matière. Là encore il faudra éviter le piège des raccourcis caricaturaux comme cela commence déjà autour de l’avenir des Copermo… Cette instance interministérielle ayant vocation à s’assurer que les erreurs d’hier ne soient plus reproduites conservera sa pertinence. En effet, le comité a été constitué pour défendre une démarche globale d’amélioration des process et des organisations dans l’intérêt des patients. Si le volet financier intéresse naturellement ses membres, le comité n’est pas pour autant frappé d’hémiplégie comptable contrairement à ce que lui reproche ses opposants ; bien au contraire, il s’agit d’un espace d’échange, un peu solennel, qui permet à un établissement de poser sa stratégie globale de transformation structurée autour de la qualité et sécurité des soins, la pertinence des prescriptions, l’efficience des chaînes logistiques, la juste utilisation des ressources – particulièrement en phase de développement de l’ambulatoire – l’ouverture et la coopération avec la ville (MMG, CPTS etc.). L’objectif étant de conjuguer l’amélioration des conditions de travail, l’optimisation de la qualité et l’efficience opérationnelle ; valeurs d’ailleurs largement portées par la Haute Autorité de Santé. Aussi ne faudra-t-il pas, le moment venu, se tromper de combat ; même si une médicalisation plus appuyée de sa composition serait probablement intéressante.

Enfin, la gestion de crise met en exergue la place prépondérante du chef d’établissement, capitaine de frégate, ô combien précieux lorsqu’il faut, dans une certaine mesure, naviguer en eaux troubles, s’adapter quotidiennement à l’évolution épidémique sans savoir précisément ce qu’elle sera sous 48h. Il est intéressant à cet égard d’observer que l’ensemble de la communauté hospitalière est ici soudée derrière son directeur, sollicite ses arbitrages et respecte le cap. Ce phénomène sociologiquement cohérent en période de crise, tranche par rapport aux débats récurrents sur la gouvernance hospitalière qui poussent vers une dilution des responsabilités entre plusieurs acteurs du top management.

La préparation de la reprise d’activité constituera dans les prochaines semaines un enjeu essentiel certainement tout aussi instructif que la gestion de crise elle-même, et tout aussi pressant, sinon plus encore, au re- gard des enjeux sanitaires mais également économiques déjà soulevés par certains opérateurs de santé.