DÉMONTER LES IDÉES REÇUES ET AIDER À LA PRISE EN CHARGE DE CES PATIENTS SOUVENT STIGMATISÉS EN CRÉANT DES OUTILS EFFICACES ET EN METTANT EN PLACE DES ATELIERS ADAPTÉS POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE NUTRITIONNELLE THÉRAPEUTIQUE OU PRÉVENTIVE, EST UN CHALLENGE POUR LE DIÉTÉTICIEN ET POUR L’INSTITUTION….

Sophie Jolimay

DIÉTÉTICIENNE-NUTRITIONNISTE

L’hôpital public permet un accès aux soins à tous. Le premier soin commun à chacun des patients est l’alimentation. En termes de nutrition, chaque service a ses particularités et ses besoins.

Le diététicien est un professionnel de santé spécialisé dans le domaine de la nutrition. Longtemps associé uniquement au champ de la restauration, c’est un soignant qui appartient au corps des rééducateurs.

Dans tout service, il est sollicité lorsqu’une pathologie nécessite un soin nutritionnel, il adapte et rééduque. Son rôle ne se limite pourtant pas à cela.

C’est en psychiatrie que j’interviens.

Il est fréquent de constater un décalage notable entre la réalité du patient et l’exactitude des faits, décalage mis en évidence par les échanges entre soignants, pour autant le profil psychiatrique efface souvent les plaintes somatiques des patients.

Si les traitements ont une influence réelle sur le métabolisme du patient, mais aussi sur sa sédentarité, c’est en évaluant les ingesta que j’ai pu noter un fréquent déséquilibre alimentaire mais aussi un excès d’apport énergétique. L’apparition de signes tels prise de poids, trouble du transit voire même syndrome métabolique est donc classique. Ces complications ne sont pourtant pas une fatalité et pourraient être limitées si une prise en soin nutritionnel était initiée par un diététicien au démarrage des trai- tements.

L’alimentation est un domaine qui ramène à d’autres domaines culturels, sociaux… Elle peut être vécue comme un lien avec la famille. Chaque individu a ses habitudes alimentaires, ce sont des connaissances acquises. Lui faire adopter une cuisine qu’il ne connaît pas risque de le marginaliser par rapport à sa propre famille. Or en psychiatrie, le patient est déjà marginalisé par sa maladie. C’est en m’adaptant au patient, que je lui permets de ne pas modifier drastiquement ses habitudes alimentaires et de garder des repères nécessaires à une éducation ou une rééducation.

Une tendance fréquente des soignants est d’utiliser l’alimentation pour canaliser le patient car celui-ci est dans la sollicitation et la demande. Mais que se cache-t-il derrière ces demandes ? J’observe entre autres une difficulté à discerner faim, ennui, envie, difficulté sur laquelle ils peuvent progresser via des ateliers.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le patient est en capacité d’entendre le message « l’alimentation est un soin », je constate un savoir-faire (cuisine, courses..) et un besoin : améliorer sa santé d’un point de vue cognitif et physique. L’objectif nutritionnel évident est donc l’équilibre alimentaire. Il s’agit alors au regard de sa (ou de ses) pathologie(s), et en veillant à ne pas l’infantiliser, de lui apporter des connaissances de manière individuelle ou collective, en s’adaptant à ses capacités de concentration.

Devant ces patients demandeurs, classiques et atypiques à la fois, la collaboration, l’intégration et la communication avec une équipe pluridisciplinaire sont importantes afin de maintenir et d’harmoniser le discours diététique. Face aux idées reçues ou au manque d’informations, l’apport en connaissances est primordial.

Au final, il s’agit pour le diététicien d’adapter le soin diététique pour qu’il soit applicable et atteignable.

Démonter les idées reçues et aider à la prise en charge de ces patients souvent stigmatisés en créant des outils efficaces et en mettant en place des ateliers adaptés pour une meilleure prise en charge nutritionnelle thérapeutique ou préventive, est un challenge pour le diététicien et pour l’institution.