LA PRÉVENTION DU RISQUE INFECTIEUX SERA RESTÉE UN PARENT PAUVRE DES POLITIQUES DE SANTÉ DEPUIS PLUS DE 20 ANS…

Stéphane Chatenet 

DIRECTEUR GÉNÉRAL DE AIRINSPACE

On attendait 2020 en France sur la réforme des retraites, aux États-Unis
pour la réélection de son Président, 2020 sera l’année de la prise en compte brutale et tragique d’un nouveau risque ou plutôt, soyons honnêtes, l’année de la confirmation concrète d’un risque bien réel que nos sociétés occidentales avaient choisi d’ignorer malgré les alertes.

La prévention du risque infectieux sera restée un parent pauvre des politiques de santé depuis plus de 20 ans, les coûts liés à ce risque ne sont toujours pas chiffrés sérieusement…

Ce risque n’avait jamais été intégré dans les logiciels étatiques.

Les épidémies successives SARS-CoV-1, H1N1, grippe porcine, EBOLA, MERS constituaient donc autant de signes que nos sociétés n’ont pas voulu regarder en face, nous sommes aujourd’hui contraints à un apprentissage permanent, à des mouvements parfois contradictoires, à une communication rendue anxiogène par l’amateurisme d’un système d’État hiérarchisé, politisé et totalement inadapté en pareilles circonstances.

La galaxie de nos experts, mandarins ou même de notre « Capitaine Flamme » marseillais, par ailleurs tant admirés, que l’on appelle « sachants », eux aussi remplis de certitudes à défaut d’exprimer courageusement leurs doutes, n’ont pas manqué une occasion de se ridiculiser, des accidents de trottinettes à la « grippette » en passant par les municipales, l’inutilité des masques et des tests.

La peur continue sa gangrène favorisée par l’État, la structure et les petits marquis qui se couvrent de ridicule au quotidien.

Nous sommes donc entrés dans « le continent des imprévus » comme le dirait Patrick Lagadec où s’entrechoqueront les réflexes du monde d’avant en prise avec les dures réalités du monde devenu.

La société toute entière et certains de ses piliers comme la santé, le tourisme, notre chère gastronomie, des pans entiers de l’industrie et des services sortiront abasourdis de cet évènement profondément disruptif à moyen et long terme.

Pour notre environnement biomédical, les acteurs industriels cocardiers furent longtemps moqués, écartés par les élites mondialisées « calculantes » pour ne pas s’être rangés dans la logique des coûts et, parfois même, par les acheteurs publics hospitaliers pour ne pas avoir su s’adapter à un monde inéluctable. Délocalise ou meurt !

Il aura fallu moins de trois mois pour que ces évidences, imposées dans les dernières décennies et pour que les certitudes partagées dans le système dominant s’écroulent sous la force de cette crise systémique.

Connaissant notre environnement et recevant tous les informations du terrain sur une situation déjà catastrophique en Chine, nous étions plusieurs fabricants de matériel médical français à Arab Health Dubai fin janvier à déjà comprendre et à faire savoir, sous les critiques d’un système encore une fois autosatisfait, que la pénurie de tous les matériels allait se généraliser et que nos pays impréparés risquaient d’être privés de tout !

Les acteurs industriels français du médical ont été sollicités dans l’urgence, à la dernière minute et se sont mobilisés ensemble, rapidement, solidairement, fièrement ; des fournisseurs aux sous-traitants pour perme- ttre, en situation de pénurie mondiale, l’approvisionnement des matériels nécessaires dans NOS hôpitaux pour aider ceux, applaudis tous les soirs à juste titre, qui se sont battus dans l’adversité malgré un manque affligeant de moyens.

IL FAUDRA RETENIR UNE CHOSE, COMME SOUVENT RÉVEILLÉE EN PAREILLES CIRCONSTANCES, C’EST CETTE FORCE DES INDIVIDUS ET DES PEUPLES À PRENDRE LEURS DESTINS EN MAIN POUR ÉPONGER LES CARENCES DE L’ÉTAT LORSQUE LE NAVIRE PREND L’EAU DE TOUTES PARTS

On nous annonce un monde d’après forcément différent, j’en doute.

Le Président nous promet le monde d’après en Santé ; dans les hôpitaux certainement vu les circonstances pour plaire au peuple malgré les déficits mais, sans changement de système ou de logique, la mutation nécessaire sera reprise par les mêmes et conduite à l’échec comme tout plan blanc qui se respecte…

Il faudra retenir une chose, comme souvent réveillée en pareilles circonstances : c’est cette force des individus et des peuples à prendre leurs destins en main pour éponger les carences de l’État lorsque « le navire prend l’eau de toutes parts ».