psychiatrie les idées des acteurs
La socio-esthétique répond à un besoin de restaurer une image de soi perturbée par des agressions qui peuvent être sexuelles, physiques, verbales

Marie Orieux

D.U. Socio-Esthétique, UFR de Pharmacie à Nantes, Unité Espace Psychiatrie 5 à l’Hôpital Saint-Jacques de Nantes

Par l’instauration des mesures sanitaires et pour éviter toute propagation du virus, nous ne nous touchons plus. Plus de poignées de main, plus de tapes affectueuses, plus d’accolades, d’embrassades. Or, le «  toucher  » comme nos autres sens est vital pour nous tous. Et encore davantage pour les personnes en souffrance physique et/ou psychique.

L’histoire de la socio-esthétique commence dans les années 1960 avec deux esthéticiennes, Jenny Lascar au sein d’un service psychiatrique à l’hôpital du Vinatier de Lyon et Renée Roussière au sein du CHU de Tours. Toutes deux pratiquent des soins esthétiques auprès de patients hospitalisés. Elles se rendent compte du bien-fondé de cette expérience. Ce furent les prémices de la socio-esthétique.

« Coup de cœur  »

La socio-esthétique est une approche innovante en psychiatrie. En complémentarité avec les autres soins, elle semble apporter une véritable plus-value à l’accompagnement proposé. C’est une démarche favorisant l’alliance thérapeutique globale et l’état général de santé, notamment l’estime de soi, la prévention des conduites auto-agressives, la réassurance dans les relations sociales. Les retours des patients sont largement positifs, c’est un soin facilement accepté, non invasif, facile à mettre en place.

Une recherche clinique débute afin de confirmer scientifiquement ces observations, de valider leur pertinence, afin d’appuyer la démarche de pérenniser la socio-esthétique en psychiatrie.

L’unité Espace propose un accès aux soins à de jeunes adultes et adolescents (15-25 ans) qui présentent différentes conduites de «  mise en danger de soi  » et/ou une crise suicidaire, sans pathologie psychiatrique avérée.

La socio-esthétique à Espace ne se limite pas à la pratique d’une technique, c’est une approche relationnelle pour instaurer une relation de confiance, un lien apaisant, sécurisant. Cet accompagnement spécifique, par le biais des produits cosmétiques, a pour but d’améliorer la qualité de vie du patient en étant attentif aux émotions, à la souffrance, dans la compréhension et le ressenti des besoins des patients, qu’ils soient exprimés ou non.

La prise en considération du corps est importante pour comprendre la plupart des problématiques chez ces jeunes. Le corps est autant symptôme que langage, géographie singulière d’événements biographiques, lieu visible et sensible de leur souffrance. Il est manifestation de soi autant qu’il participe à la prise de conscience de soi.

De nombreuses années durant, imaginer qu’on puisse toucher le corps des adolescents pour les aider à aller mieux était en totale contradiction avec les idées thérapeutiques institutionnelles. Or, actuellement, le travail thérapeutique corporel devient une alternative de soin envisagée de plus en plus fréquemment. Concernant ces jeunes, qui sont dans l’agir et ont souvent des difficultés à mettre en mots cette souffrance, les médiations thérapeutiques corporelles vont servir de supports à l’expression verbale.

Divers ateliers thérapeutiques à médiation corporelle sont développés comme les soins en socio-esthétique.
Ceux-ci se déclinent de deux façons :

• des séances individuelles dans une pièce dédiée, il s’agit là d’un accompagnement autour du corps, d’un soin sur mesure qui vise le bien-être, la détente, l’apaisement (soin du visage, des mains, maquillage, modelage…) ;

• des séances collectives pour valoriser l’image de soi, améliorer son apparence et donc la représentation que l’on a de soi et que l’on offre aux regards des autres.

La socio-esthétique permet de stimuler une envie de se réapproprier son corps, le goût de s’occuper de soi, le toucher révélant à la conscience la matérialité du corps.

J’ai pu constater combien et comment ce corps était en souffrance : mis de côté, pas aimé, maltraité, ignoré, abusé. La socio-esthétique répond à un besoin de restaurer une image de soi perturbée par des agressions qui peuvent être sexuelles, physiques, verbales. Elle permet aussi de ressentir le corps autrement qu’au travers de gestes invasifs comme les brûlures ou les scarifications.
Toucher au corps, c’est rencontrer l’autre, ce contact communique une intentionnalité, celle d’établir une relation empathique et le toucher devient une présence corporelle et un langage. Ce toucher peut provoquer, réveiller des sensations. Bienveillant, il est aussi vecteur de renforcement de confiance et de lâcher-prise.

Cette approche nécessite d’instaurer une relation de confiance, d’apporter de l’apaisement, de la sécurité. Elle est appréciée des patients. Des émotions peuvent se libérer, elles peuvent être travaillées en complémentarité avec l’équipe.

« Coup de gueule  »

Ce métier ne s’improvise pas !

C’est un savoir-être et un savoir-faire. Il est temps d’établir un cadre pour garantir aux bénéficiaires ainsi qu’aux structures qu’ils ont affaire à une professionnelle dûment qualifiée. Cette pratique particulière est destinée à des personnes fragilisées, nous sommes formées pour prendre soin d’elles. Nous leur conseillons des produits cosmétiques adaptés à leurs problématiques, nous sommes aussi en mesure de repérer les composants allergisants et/ou irritants (Cosmétologie UFR Pharmacie, Nantes).

D’où l’importance d’une formation de qualité, assurée par des professionnels qualifiés dans la discipline concernée et d’un cadre de formation reconnu par le ministère des Solidarités et de la Santé, le diplôme d’État de socio-esthétique.