recherche médicale les idées des acteurs
Les groupes coopérateurs contribuent largement au développement de la recherche translationnelle avec mise en place de protocoles ancillaires

Pr Philippe Moreau, Pr Thierry Facon, Pr Hervé Avet-Loiseau & Dr Cyrille Hulin

Hématologie clinique au CHU Hôtel-Dieu de Nantes, Service des maladies du sang au CHRU de Lille, Unité de génomique à l’Oncopôle de Toulouse, Hématologie clinique au CHU de Bordeaux

Depuis plus de 30 ans, les groupes coopérateurs en onco-hématologie sont des acteurs majeurs de la prise en charge des patients porteurs de cancer en France. Leurs rôles sont nombreux couvrant tous les champs de la prise en charge. Les groupes coopérateurs les plus efficaces sont ceux qui sont monothématiques, uniques sur le territoire, capables de regrouper les expertises universitaires mais aussi non universitaires avec la participation des centres hospitaliers généraux ou des cliniques spécialisées. Voici quelques-unes de leurs missions et activités.

Définition de guidelines nationales.

Elles sont basées sur la médecine par la preuve (evidence-based medicine), prennent en compte les publications les plus récentes, mais aussi les autorisations de mise sur le marché européennes et renseignent également sur l’accessibilité des associations thérapeutiques en fonction du remboursement en France.

Un rôle éducationnel, de formation de l’ensemble des membres des groupes coopérateurs.

Ceci se fait, par exemple, par l’intermédiaire d’assemblées générales souvent pluriannuelles avec exposition des données sur l’état de l’art pour chaque pathologie, et des avancées récentes disponibles soit sous la forme de publications ou de communications faites lors de congrès internationaux. Chaque groupe coopérateur est doté d’une commission de formation qui renseigne à la fois sur la clinique, la biologie, la recherche translationnelle pour chaque pathologie.

Lien avec des associations de patients.

Ces associations représentent au niveau régional ou au niveau national des groupes de malades, proposant par exemple des prises en charge spécifiques. Un rôle éducationnel est particulièrement important vis-à-vis des patients.

Les groupes coopérateurs peuvent/doivent être aussi un interlocuteur privilégié auprès des instances administratives nationales, que ce soit l’INCa, l’ANSM, la HAS, la DGOS, en cas de nécessité.

La plupart des groupes coopérateurs regrettent cependant de ne pas être consultés suffisamment souvent pour le suivi des patients, le développement thérapeutique ou les innovations technologiques biologiques d’imagerie dans chacun de leur champ disciplinaire. L’exemple récent de la vaccination COVID le souligne, avec nécessité d’une lettre ouverte commune de l’ensemble des groupes coopérateurs en onco-hématologie pour activer une priorisation de la vaccination chez les patients porteurs de cancer.

Les groupes coopérateurs constituent un moteur essentiel de la recherche.

Ils participent activement à la recherche clinique académique avec proposition de protocoles de phase I/II ou de phase III dans des champs parfois non explorés par l’industrie pharmaceutique. Cette recherche académique des groupes coopérateurs en France a conduit à l’établissement de standards thérapeutiques internationaux pour de nombreuses pathologies. Les groupes coopérateurs déplorent un soutien institutionnel insuffisant pour mener à bien des essais posant des questions importantes, nécessitant parfois l’utilisation de médicaments déjà autorisés ou en cours de développement. La nécessité croissante de cofinancement venant de l’industrie pharmaceutique est un frein à l’indépendance intellectuelle.

Les groupes coopérateurs peuvent également être impliqués dans des consortiums européens, voire mondiaux, posant pour des maladies peu fréquentes des questions importantes dans un champ académique. En recherche clinique toujours, ils peuvent participer en lien avec les industriels au développement de combinaisons thérapeutiques ou de médicaments innovants. Bon nombre de groupes coopérateurs ont ainsi collaboré très étroitement ou de manière quasi-exclusive à des essais ayant conduit à des autorisations de mise sur le marché, sur la base de protocoles promus ou soutenus par l’industrie pharmaceutique.

Les groupes coopérateurs contribuent largement au développement de la recherche translationnelle avec mise en place de protocoles ancillaires visant à définir des biomarqueurs, à explorer la maladie résiduelle, à explorer des innovations en imagerie, par exemple.

Ils peuvent aussi contribuer au développement de traitements innovants. Je prendrais l’exemple des CAR-T, dont le coût faramineux va être ou est déjà pris en charge par les autorités de santé, alors que des programmes académiques ciblés permettent le développement des mêmes cellules chimériques à un coût nettement inférieur. Là encore, une volonté politique doit être affichée pour soutenir ces programmes de recherche innovants, qui non seulement enrichissent les connaissances, qui non seulement créent de la science, mais surtout conduisent à des avancées thérapeutiques significatives pour les patients.

Les groupes coopérateurs proposent également des programmes intégrés qui vont mettre en collaboration des cliniciens, des chercheurs, des médecins responsables de techniques modernes d’imagerie, des médecins nucléaires, mais aussi des chercheurs dans le domaine des sciences humaines et sociales. Des programmes originaux de compréhension des maladies, d’études génétiques, d’analyses des écosystèmes tumoraux, cellules tumorales et microenvironnement, de l’analyse de la cellule résiduelle au niveau de la tumeur, au niveau du corps entier sont ainsi développés. Des programmes originaux de sciences humaines et sociales, de retour au travail après cancer par exemple, sont également en développement.

Par l’intermédiaire de leurs registres et de leurs bases de données, qui sont de plus en plus développés, les groupes coopérateurs peuvent répondre à des questions épidémiologiques importantes. Ils peuvent proposer de manière unique le suivi à long terme des malades, non seulement concernant le devenir de leur pathologie, mais aussi dans le cadre des effets secondaires tardifs des médicaments, du retentissement sur la qualité de vie, ou sur la réinsertion sociale après maladie.

Les registres des groupes coopérateurs permettent également de générer des données de vie réelle sur des grandes séries de patients qui permettent de confronter les résultats thérapeutiques à ceux des essais d’enregistrement des médicaments.
Voici donc quelques exemples du rôle des groupes coopérateurs dans la prise en charge au quotidien des patients, dans la recherche clinique ou translationnelle au niveau national et international.

Les groupes coopérateurs dans la grande majorité demandent une représentation plus efficiente au niveau des instances administratives nationales. Ils demandent également un soutien institutionnel plus marqué dans le domaine de la prise en charge quotidienne des malades en reconnaissance de leur expertise, mais aussi pour le développement de nouvelles approches thérapeutiques. Les groupes coopérateurs sont malheureusement totalement dépendants de l’industrie pharmaceutique pour générer des ressources financières nécessaires à cette recherche au sens large. La plupart des groupes coopérateurs déplorent également la lourdeur administrative et la lenteur dans les chaînes de décisions pour répondre aux questions concernant la mise en place des recherches qu’ils souhaitent mener à bien.