Tribune

Pancarte portant l'inscription "Nous sommes la République"
N’est-il pas dans l’intérêt du plus grand nombre, et de cette idée de République, de favoriser la contribution des communautés d’action qui relèvent de l’ESS à la construction d’une société plus fraternelle ?

Par Unéo

Le concept de « République » rassemble très largement les Français, sans doute plus que n’importe quelle idée ou idéologie. La plasticité de cette idée républicaine, le fait qu’elle soit peu définie par ceux, nombreux, qui s’en réclament, contribuent certes à son succès. Mais surtout, la République fait office de plus grand dénominateur commun, ou plus exactement de cadre de référence commun au sein duquel peut s’exprimer la diversité de la société française.

Pour autant, paradoxalement, malgré son caractère a priori consensuel, le sentiment commence à prévaloir qu’au-delà même des terroristes islamistes, ennemis déclarés de la République, celle-ci est fragilisée, de l’intérieur, par :

• des périls de nature économique et sociale : selon cette vision des choses, les inégalités sociales, territoriales, sanitaires mineraient le « pacte républicain ». Des forces du marché et une mondialisation non contrôlées saperaient les fondements de notre modèle social, et par la suite, de la République ;

• des périls de nature plus identitaire : la montée en puissance des revendications religieuses et culturalistes de différentes minorités au nom de l’égalité, peu compatibles avec le cadre républicain traditionnel, lequel ne reconnaît que des individus, pas des groupes ethniques ou religieux.

Voie médiane entre le marché et l’État, les partisans de l’ESS l’ont de longue date présentée comme une réponse aux périls de nature économique et sociale brièvement énoncés plus haut.

Tenants d’une conception affinitaire de la Mutualité, celle de la Mutualité militaire, il nous semble que l’ESS est en capacité d’apporter également, à sa mesure, une réponse à l’autre nature de périls qui minent le vivre-ensemble, celle de la contestation identitaire du cadre républicain.

En effet, nous postulons et démontrons au quotidien que l’ESS est un modèle permettant de faire vivre des solidarités et des réponses intermédiaires entre l’« universalisme » de l’état et de la Sécurité sociale, qui bien souvent confine à l’uniformisation, et l’individualisme, qui ne profite qu’à ceux qui ont les capacités de déployer des stratégies individuelles. Ancrée le plus souvent à la même échelle que celle où s’exprime la citoyenneté républicaine (commune ou bassin de vie, département, région, Nation), l’ESS n’est pas une idéologie ou un dogme, mais plutôt un mode d’entreprendre porteur de valeurs et irrigué par de multiples courants de pensée (socialisme utopique, catholicisme social, libéralisme, solidarisme…). Cette caractéristique en fait un modèle apparenté à la République, ce « tout » qui transcende les clivages. L’ESS en exprime une vision pragmatique et concrète, celle d’une communauté en action, et non celle d’une communauté de confrontation, d’affirmation ou de posture.

Sur le plan économique et social, celui de la production et de la consommation, l’ESS ne crée ni ne suscite le besoin à satisfaire, mais configure sa réponse en fonction de ce besoin. De la même façon, l’ESS ne « surfe » pas sur une logique communautariste. Elle construit des réponses affinitaires spécifiques à des communautés de métier ou régionales.

Aussi, n’est-il pas dans l’intérêt du plus grand nombre, et de cette idée de République, de favoriser la contribution des communautés d’action qui relèvent de l’ESS à la construction d’une société plus fraternelle ? Si l’ESS doit d’abord compter sur ses propres forces, les pouvoirs publics n’ont-ils pas la responsabilité de définir, avec les acteurs concernés, un cadre qui permette de faire réellement vivre des approches ESS de certains secteurs économiques ? Un cadre qui leur laisse de réelles chances ? Plutôt que de plaquer des règles uniformisantes, qui érodent la biodiversité économique, facteur de résilience ?