Interview

Les partenaires conventionnels intègrent régulièrement dans le cadre des accords signés des projets d’expérimentation sur des thématiques de prévention.

Thomas FATÔME
Directeur Général de la Caisse nationale d’Assurance maladie

L’Assurance Maladie est devenue à travers ses actions de prévention un acteur premier dans la gestion du risque. Quel bilan tirez-vous de la stratégie de prévention menée par la Cnam ?

TF – L’Assurance maladie a accentué et renouvelé ses actions de prévention depuis quelques années pour en faire un axe majeur de sa politique de gestion du risque et de maîtrise des dépenses de santé. Elle concerne tous les assurés dès leur plus jeune âge, et se poursuit tout au long de la vie.

L’Assurance maladie mène ainsi des actions de prévention dans le cadre fixé par la stratégie nationale de santé, qui se décline, dans les programmes régionaux de santé, en coordination étroite avec l’ensemble des acteurs de la prévention. Elles s’inscrivent plus particulièrement dans les champs de la lutte contre les addictions, la vaccination, le dépistage des cancers, la santé bucco-dentaire, la prévention des maladies chroniques comme le diabète, mais aussi dans le cadre d’une approche populationnelle avec des plans dédiés à la santé des enfants et des jeunes.

La capacité du réseau de l’Assurance maladie à s’impliquer davantage dans la prévention est très prometteuse. Je souhaite proposer des plans d’actions de prévention qui s’appuient sur nos atouts : offres de prise en charge à 100 %, informations multicanales pour tous les usagers, soutien aux pratiques préventives des professionnels de santé et enfin, actions de proximité pour ceux qui en ont le plus besoin. Notre volonté est également d’adopter une approche nouvelle, plus globale, incluant la prévention primaire dans une logique de promotion de la santé.

L’Assurance maladie utilise ainsi sa situation privilégiée au cœur des relations entre assurés et professionnels de santé pour diffuser des offres de prévention à tous les âges de la vie et invite les professionnels à s’en emparer, notamment à travers la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), les rémunérations forfaitaires destinées aux structures de soins coordonnés.

Les actions de prévention doivent être accompagnées par les professionnels de santé. Comment peut-on inscrire durablement ces acteurs dans le champ de la prévention ? La négociation conventionnelle peut-elle être un outil ?

TF – L’Assurance maladie utilise différents leviers pour favoriser les pratiques préventives des professionnels de santé.
Un premier outil est l’accompagnement des professionnels de santé par les Délégués de l’Assurance maladie (DAM). Au cours de leurs visites, les DAM apportent aux professionnels de santé des informations actualisées sur des thèmes de santé publique et de prévention leur permettant ainsi de mieux informer et suivre leurs patients.

La rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) permet également de renforcer l’inscription des professionnels de santé dans le champ de la prévention. La Rosp médecin traitant intègre, par exemple, 12 indicateurs de prévention.

La négociation conventionnelle constitue également un levier. Ainsi, l’accord conventionnel interprofessionnel sur les maisons de santé pluriprofessionnelles (ACI MSP), comme l’accord national des centres de santé, valorise dans le cadre de la rémunération forfaitaire la réalisation de missions de santé publique. L’ACI sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) valorise l’engagement des professionnels de santé dans la mise en œuvre d’actions et de programmes territoriaux de prévention et de promotion de la santé, en cohérence avec la politique nationale de santé. Ces vecteurs ont pour intérêt également d’intégrer une dimension de prise en charge pluriprofessionnelle des patients.

Le levier conventionnel peut également être utilisé pour la mise en place de nouveaux dispositifs de prévention. À titre d’exemple, le dispositif M’T dents est à l’origine un dispositif négocié dans le cadre conventionnel avec les représentants des chirurgiens-dentistes. Les partenaires conventionnels intègrent régulièrement dans le cadre des accords signés des projets d’expérimentation sur des thématiques de prévention : c’est le cas, par exemple, des projets d’expérimentations de dépistage en milieu scolaire prévus avec les orthophonistes, orthoptistes et masseurs-kinésithérapeutes.

Comment les données de santé pourraient-elles permettre des programmes de prévention pertinents y compris dans le champ de l’assuré mais aussi dans un collectif professionnel, universitaire ou scolaire ?

TF – L’exploitation des données de santé doit constituer un des leviers de nos politiques de prévention : pour poser un diagnostic sur une situation, pour comprendre les parcours de soins comme pour évaluer nos programmes de prévention. De ce point de vue, l’ouverture de ces données de santé vers des partenaires extérieurs, dans un cadre régulé, doit y participer. C’est l’un des objectifs du Health Data Hub à laquelle la CNAM participe.

En ce qui concerne la gestion du risque des agents de la fonction publique, l’Assurance Maladie a contractualisé avec MFP services. Quelle est l’ambition de cette contractualisation ?

TF – MFP Services a fait le choix de confier l’activité de gestion des frais de santé à la Caisse nationale de l’assurance Maladie et à son réseau, tout en développant une politique adaptée de prévention et de gestion du risque à destination des fonctionnaires.

Cette nouvelle orientation porte d’abord en elle-même une ambition d’analyse et de compréhension des enjeux de santé publique présents au sein de la fonction publique. MFPS est devenue un important opérateur d’études statistiques et d’identification des comportements en santé. Par une approche innovante et en fonction du profil de ses assurés, elle est en capacité de concevoir et d’articuler des actions de santé publique et des actions de prévention s’inscrivant dans les grands axes de la stratégie de santé.
MFPS, par son lien historique avec le public des fonctionnaires, est la mieux à même de déployer des modalités spécifiques, en ligne ou en milieu professionnel.

La contractualisation entre la Cnam et MFP Services permet également d’offrir un cadre financier stable sur la période 2019 à 2022.