Le cœur de cette approche renouvelée tient en ces mots : « travailler à la meilleure intelligence entre l’associatif et l’institutionnel. »

Le Général Georges Lebel

Vice-Président de la FNAP

Amicales régimentaires et leur régiment : de la fraternelle cohabitation à l’utilité la plus pragmatique ou, comment une vieille réalité peut trouver une très actuelle modernité !

Après 37 années de service comme officier de l’armée de terre, et depuis plus de 10 ans au service de l’Amicale du régiment qui m’avait été confié, il m’est vite apparu combien le monde associatif peut contribuer aujourd’hui à mieux « … faire vivre et dynamiser la communauté Sécurité-Défense ! » Le cœur de cette approche renouvelée tient en ces mots : « travailler à la meilleure intelligence entre l’associatif et l’institutionnel ».

« Intelligence » au sens de se connaître, se comprendre, se relier pour agir de façon ajustée, ensemble et librement dans une démarche qui oblige chacune des parties. Ce faisant, l’appui de l’institutionnel par l’associatif peut porter de très beaux fruits : il implique un accueil, une information et une adhésion mutuels de l’institutionnel et de l’associatif. En bref, il faut établir entre elles une relation de réelle proximité et d’une grande confiance réciproque.

Dans ce cadre, une Amicale régimentaire peut inscrire son action tout naturellement à l’appui de la Protection sociale : dans la durée, soutien des blessés, des familles de nos morts et de tous nos camarades malmenés par la vie, aide à la reconversion des militaires comme de leurs conjoints, etc. Toutes choses qu’un bon carnet d’adresses des anciens du régiment peut souvent contribuer à faciliter.

La première démarche est d’ordre sémantique : passer de « l’Amicale des anciens… » à « l’Amicale du régiment ». Cela résume bien les choses : apolitique et sans but lucratif, nous agissons par amitié, ce qui n’empêche pas de tendre à une réelle efficience !

La loi de 1901 prescrit à l’association de définir dans ses statuts, ses buts et ses modes d’action : ils sont donc ajustés à cette utilité attendue ! Vertu de cette loi, l’association, ainsi établie, est donc indépendante de l’institution ; cela lui confère un degré de liberté différent et supplémentaire de celui de l’institution. En effet, elle jouit d’une autonomie juridique et financière qui permet de conduire des actions particulièrement utiles dans l’entraide (c’est-à-dire l’action directe à l’appui d’une personne en difficulté morale et/ou matérielle) comme la solidarité (c’est-à-dire l’action d’ensemble à l’appui d’une cause générale ou particulière).

Prenons un cas vécu dans le champ de l’entraide par notre Amicale régimentaire : la veuve d’un camarade, mort en service, rejoint sa région d’origine avec son enfant quasi nouveau-né ; elle obtient un emploi réservé et commence à se rétablir dans la vie quand elle apprend le bilan de l’autopsie de son mari : il est mort d’une atteinte non imputable au service ! Outre le choc de cette nouvelle, elle sait qu’elle devra quitter l’emploi réservé dont elle a bénéficié… Les faits avérés par le corps médical sont patents, mais les circonstances le sont moins. En effet, si notre camarade avait été victime de cette atteinte dans un supermarché et non au fond des bois, il aurait eu une très forte chance d’y survivre. En toute discrétion, l’Amicale se rapproche du commandement pour signaler sa détermination à ester en justice à l’appui, si nécessaire. Forte de cela, l’institution a pu, en interne, faire infléchir l’avis prononcé pour qu’il soit effectivement reconnu comme imputable au service.

Dans le champ de la solidarité, l’Amicale régimentaire, bien souvent membre d’une Fédération d’associations sœurs, peut faire remonter des dispositions à prendre au niveau général. Cela peut aussi permettre de donner une dimension très large à une action d’ensemble, comme cela a été récemment conduit face à la Covid-19 à l’appui de la sérologie du Service de santé des armées…

Ces degrés de liberté se relient aussi dans la complémentarité des tempos de l’associatif, qui s’inscrit dans le temps long, et de l’institution, qui vit au rythme des nécessités opérationnelles ! Leurs actions complémentaires concernent ainsi tous les personnels, quels que soient leur grade et leur ancienneté. 

Cette liberté a aussi toute sa dimension dans le champ pécuniaire : son action étant « non lucrative », elle ne pourra jamais être contractualisée et sera, du coup, bien moins sensible aux conflits d’intérêts. Ceci étant, si l’association est reconnue d’intérêt général, elle pourra drainer des fonds pour la cause qu’elle défend, dans des conditions fiscales intéressantes pour ses donateurs.

Ainsi, dans ce vaste champ, nombre d’actions très utiles, car ajustées à la situation, peuvent être conduites dans la plus grande discrétion, ou si nécessaire, la plus large communication. Tout tient à notre conscience des responsabilités ainsi posées !

De tout cœur, puisse cette « bonne intelligence » connaître la plus large application dans toutes les dimensions de notre communauté Sécurité-Défense !