LA CONJONCTION DES SYNERGIES ENTRE LABORATOIRES DE BIOLOGIE PUBLICS ET L’EXPÉRIENCE DU SECTEUR PRIVÉ DOIT COLLECTIVEMENT NOUS FAIRE RÉFLÉCHIR À DES MODÈLES ALTERNATIFS ET À UNE VRAIE PRISE EN COMPTE DE LA BIOLOGIE DANS L’ORGANISATION TERRITORIALE DES SOINS…

ALEXANDRE DREZET 

DIRECTEUR DE LA STRATÉGIE DU CHU DE CAEN

La biologie a joué un rôle central dans l’épidémie du SARS-CoV-2 – connue sous le nom de Covid-19 – qui a débuté en France en mars 2020. S’il fallait encore le démontrer, cette crise place clairement la biologie comme un maillon toujours plus incontournable de la chaîne de soins de demain étant entendu que le diagnostic est un des facteurs pronostiques reconnus des inégalités de santé et un fondement essentiel de la médecine personnalisée.

À l’occasion de cette crise, dans un contexte de tension particulièrement important en matière de réactifs, les laboratoires de biologie ont fait preuve de réactivité et d’inventivité pour adapter leur réponse aux besoins. Néanmoins, force est de constater qu’aucun d’entre eux n’a pu y répondre seul. En ce sens, cette crise sanitaire est riche d’enseignements et l’expérience du laboratoire de biologie médicale du CHU de Caen permet d’émettre quelques suggestions pour l’avenir.

Le CHU de Caen, par l’intermédiaire de son laboratoire de biologie médicale, a eu la responsabilité de réaliser la détection du virus SARS-CoV-2 par RT-PCR (Reverse Transcriptase-Polymerase Chain Reaction) à la fois pour les patients qu’il a pris en charge mais également pour ceux hospitalisés dans les établissements sanitaires et médico-sociaux de son territoire. Pour ce faire, le CHU a procédé en deux temps :

• Un premier temps qui a impliqué de redéployer et de former du personnel technique dans des délais très contraints pour faire face à la hausse de la demande. En ce sens, le CHU a fait preuve de flexibilité et de souplesse pour réaliser dès les premiers jours jusqu’à 300 RT-PCR par jour ;

• Un second qui a permis de dépasser la seule capacité du CHU en ayant recours aux ressources humaines et matériels du laboratoire vétérinaire LABEO. Le recours à ce laboratoire a été rendu possible par les mesures prises à titre exceptionnel dans le cadre de la crise sanitaire. Les capacités ont ainsi été démultipliées pour atteindre jusqu’à 2 000 RT-PCR par jour.

La collaboration du CHU avec le laboratoire LABEO a mis en exergue davantage de similitudes que de différences entre laboratoire de biologie médicale et laboratoire vétérinaire. Les compétences, le matériel et les modes de fonctionnement en biologie moléculaire se sont avérés globalement similaires et appellent à ce que des synergies soient trouvées entre ces deux structures après la crise.

Ceci pose très clairement la question d’un rapprochement dont l’intérêt premier n’est pas l’obtention d’économies d’échelles mais davantage la constitution de plateformes plus performantes et toujours plus spécialisées et transversales.

Les groupements de biologie privés (Cerballiance, Eurofins…) ont dans le même temps montré leurs limites : bien qu’ils disposent de plateformes performantes, l’ultracentralisation des analyses spécialisées à l’échelle nationale a allongé les délais de rendus des résultats induisant, par voie de conséquence, des retards de prise en charge.

La conjonction des synergies entre laboratoires de biologie publics et l’expérience du secteur privé doit collectivement nous faire réfléchir à des modèles alternatifs et à une vraie prise en compte de la biologie dans l’organisation territoriale des soins. Il conviendrait notamment d’identifier a minima par territoire une plateforme publique ou publique-privée permettant de répondre aux besoins et capable de générer une réelle capacité d’innovation. Ces nouveaux plateaux techniques de biologie constitueraient des masses critiques réactives sur des secteurs thématiques à fort enjeu (génomique, biologie moléculaire, microbiologie…) et gagneraient aussi en visibilité ce qui faciliterait l’ambition d’une réelle recherche translationnelle qui peine réellement à se créer une place en France.

Cet exemple inédit de collaboration démontre que si les virus ne connaissent pas de frontières la réponse à ces virus suppose une agrégation de compétences qui dépasse les limites de l’hôpital.