Tribune

Par
Camille Mosse et Jeremy Pereira,
Directrice Métier, Partner et Directeur de l’Offre chez Mercer
« Les dépenses de santé ne cessent de grimper ». Cette phrase, devenue un marronnier sociétal, exprime aujourd’hui une urgence. Notre système de santé ne peut perdurer ainsi sans la nécessaire responsabilisation des Français face à leurs dépenses et une remise en question de nos processus. De fait, pourquoi ne pas réécrire le contrat responsable, initialement conçu pour limiter ces coûts, mais qui connaît un bilan très mitigé ?
Depuis sa création en 2006, le contrat responsable avait, entre autres, pour ambition de contenir les dépenses en plafonnant certains remboursements, en mettant l’accent sur la prévention santé et les actes de dépistage, et en établissant pour les Français un parcours de soins articulé autour du médecin traitant. Pourtant, 20 ans plus tard, nous constatons que les professionnels de santé pratiquent davantage de dépassements d’honoraires, certaines dépenses explosent, et il persiste une aversion tenace pour la prévention. De plus, le contrat responsable peine à s’adapter aux nouveaux enjeux des Français et des professionnels de santé, devenant ainsi un texte vieillissant et complexe.
Une inflation des dépenses qui n’a pas pu être endiguée
Bien que certaines dépenses, comme les soins dentaires, semblent contenues grâce aux efforts conjoints de l’assurance maladie et des professionnels de santé, cela fait encore figure d’exception. Des chiffres révélateurs illustrent notre situation. Prenons l’exemple des lentilles de contact, dont le tarif a augmenté de 11,6 % en 2024… Cette garantie, non encadrée par le contrat responsable, est symptomatique d’un manque de régulation.
Notons également la proportion de praticiens en secteur 1 qui diminue durablement, au profit de ceux pratiquant des dépassements d’honoraires, la part d’ophtalmologues ne pratiquant pas de dépassements étant passée de 43 % en 2015 à 30 % en 2023. Enfin, nous ne pouvons plus occulter la financiarisation de notre système de soins, dont les répercussions directes et indirectes, sont nombreuses et troublantes. Citons par exemple le recours aux chambres particulières qui augmente (+5 %), alors même que le nombre de lits disponibles se contracte (-1,8 %)…
Responsabiliser et promouvoir un système préventif
La responsabilisation des Français face aux dépenses de santé est cruciale, mais l’approche actuelle se concentre trop sur la lutte contre les abus, comme la taxe lapin. Cette stratégie, bien que nécessaire, ne touche pas la majorité des assurés, qui agissent souvent plus par méconnaissance que par malveillance. Existe-t-il d’autres domaines dans lesquels les Français ont si peu accès à l’information ? Si peu de référentiels pour s’évaluer, se comparer, se former aux bonnes pratiques, juger du juste tarif proposé par leur équipe de professionnels de santé ?
Par ailleurs, la prévention est insuffisamment encouragée : 54 % des femmes n’ont pas consulté de gynécologue et 52 % des Français n’ont pas vu de dentiste ces deux dernières années.
Les idées pour réduire les dépenses de santé existent, mais elles doivent être mises en avant par une communication efficace et ciblée. L’État et les acteurs de la santé doivent aider les Français à comprendre leur système de soins.
Un nouveau contrat responsable plus efficace
L’échec relatif du contrat responsable appelle à sa réécriture. Il doit redéfinir son intention : responsabiliser les Français face à leurs dépenses de santé, en plaçant la prévention au cœur de sa démarche. Au-delà de l’approche répressive, le contrat doit récompenser les comportements vertueux, par exemple en offrant des garanties différenciées pour ceux qui adoptent une démarche préventive.
Il est temps de repenser le contrat responsable en tenant compte des enseignements des 20 dernières années. Autrement dit : rappeler l’importance de la solidarité dans les dépenses de santé, clarifier les rôles des organismes complémentaires et de la sécurité sociale, responsabiliser les assurés, récompenser les comportements vertueux, capitaliser sur les réussites comme la réduction des tarifs en optique et lutter de manière coordonnée contre la fraude et les abus.
Éclairés et accompagnés, les Français sont en capacité de fournir des efforts. Preuve en est, les remarquables transformations qu’ils ont opérées sur leurs habitudes du quotidien pour prendre en compte l’impératif climatique et accompagner la transition énergétique. Pour que la santé ne devienne jamais un luxe, les instances dirigeantes se doivent maintenant d’amorcer la transformation de notre système et de travailler à le rendre plus efficient, en commençant par remettre à plat cette définition du contrat responsable.