Tribune

« Il faut donner aux professionnels de santé les moyens de s’impliquer davantage dans la prévention »

Anne-Sophie Joly
Présidente du Collectif National des Associations d’Obèses (CNAO)

Idéal

La performance en santé ne saurait se réduire à un système performant économiquement, bien que cette dimension ne puisse être négligée. Un système de santé performant est avant tout un système au service de la population et de la préservation de sa santé. C’est un système qui doit réduire les inégalités de santé, accessible à tous et qui dispense au patient, acteur éclairé de la gestion de sa santé, des soins de qualité, avec pertinence et dans le respect de sa dignité. Il prend en compte le patient dans sa globalité pour lui offrir une prise en charge personnalisée, holistique et pluridisciplinaire.

Il doit répondre aux enjeux majeurs de santé publique, notamment l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques en s’appuyant davantage sur la prévention pour pouvoir entre autres anticiper les prochaines crises sanitaires et ne plus simplement y répondre. L’adage « Mieux vaut prévenir que guérir » doit devenir une réalité.

Problématiques/obstacles

La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a démontré la résilience du système de santé français et le dévouement de ses soignants mais également les limites et la fragilité d’un système de santé curatif.

L’exemple de l’obésité illustre très bien cette problématique. La France peine à endiguer ce que l’Organisation mondiale de la santé qualifie de première épidémie non infectieuse de l’histoire de l’humanité. Or, 47 % des patients admis en réanimation pendant la pandémie étaient des patients souffrant d’obésité et 40 % des patients décédés de la Covid-19 avaient un problème de poids. Il est ainsi tout à fait raisonnable de se questionner sur le nombre d’hospitalisations et de morts et la saturation des établissements hospitaliers qui auraient pu être évitées si les campagnes de prévention de l’obésité étaient plus efficaces.

Les professionnels de santé sont malheureusement peu formés à la prévention et manquent de temps pour la mettre en oeuvre. De plus, les populations qui en auraient le plus besoin sont parfois éloignées du système de santé et ne peuvent en bénéficier, ce qui accroît les inégalités de santé.

Enfin, bien que la mise en oeuvre effective de la démocratie en santé, instaurée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ait beaucoup progressé ces vingt dernières années, elle présente aujourd’hui encore des faiblesses.

Pistes de solutions

Dans un objectif d’amélioration de la qualité et pertinence des soins, la prise en compte de la qualité des soins perçue par le patient est primordiale et devrait passer par la généralisation à l’échelle nationale de l’utilisation des indicateurs PROMs (Patient-Reported Outcome Measures) et PREMs (Patient-Reported Experience Measures). Une véritable reconnaissance du savoir expérientiel et de l’expertise du patient est également nécessaire, celle-ci passant par la redéfinition et la valorisation du rôle des patients experts, patients partenaires et représentants des usagers.

Il faut donner aux professionnels de santé les moyens de s’impliquer davantage dans la prévention en valorisant l’acte de prévention et en les formant à la prévention et la prise en charge des populations aux besoins spécifiques comme les patients obèses. Une révision de la formation initiale et continue des professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, est ainsi indispensable. Pour permettre au patient de faire des choix éclairés concernant sa santé et ses déterminants, le professionnel de santé doit être en mesure de lui fournir une information vulgarisée, adaptée à son niveau de littératie en santé. Le patient doit avoir accès facilement aux informations lui permettant de s’adresser au professionnel de santé le plus pertinent et qualifié pour prendre en charge sa pathologie.

La tarification à l’acte, à l’origine d’une perte de sens de l’acte de soin, doit être questionnée et de nouveaux modes de financement sous forme de forfaits, à l’image de l’article 51, doivent être encouragés et démocratisés.

Pour permettre une prise en charge globale du patient, la coopération et la coordination des acteurs de santé (lien ville/hôpital) doivent être développées et le décloisonnement des soins doit être favorisé.

Pour réussir son virage préventif, le système de santé français doit mettre en place des politiques de prévention et promotion de la santé ambitieuses, dont l’efficacité doit faire l’objet d’une évaluation et qui se basent d’avantage sur la démarche d’« aller vers ».

Pour reprendre l’exemple de l’obésité, investir dans sa prévention représente certes un coût important, mais cet investissement est rentable selon le rapport de l’OCDE publié en 2019. Un dollar dépensé en prévention de cette pathologie générerait en effet un peu plus de cinq dollars de retour sur investissement.

Source : Les nouveaux chemins de la performance en santé – CRAPS et ANAP