Plutôt une avancée importante qui s’inscrit dans la continuité de la reconnaissance de l’investissement des hospitaliers et de la primauté du service public hospitalier.

Tribune

Il n’est pas nécessaire d’être un expert de l’hôpital pour connaître les difficultés financières auxquelles celui-ci est exposé

Gérard Vuidepot

Président de la Mutuelle Nationale des Hospitaliers

Les professionnels du monde de la santé et du social font depuis ces derniers mois la démonstration de leur investissement sans faille pour les Françaises et les Français.

Dans tous les territoires, ils sont encore largement mobilisés pour préserver notre santé et celle de nos proches, au risque souvent de mettre la leur en danger.

Ces acteurs, au premier rang desquels se trouvent l’hôpital public et ses agents, participent de notre cohésion nationale, plus encore en cette période troublée. Dès lors, à la question « fallait-il reconnaître cet investissement des acteurs du monde de la santé à travers un plan ambitieux?», la réponse semble évidente : « oui ! ».

La réponse, « oui ! », ne souffre d’aucune contestation possible.

Et cette réponse est désormais matérialisée par les annonces et les accords du Ségur de la santé, lesquels présentent des avancées notables pour l’hôpital public et les hospitaliers.

Et avant toute analyse, admettons que l’état a su faire preuve d’une diligence exceptionnelle pour aboutir à des accords de cette ampleur, notamment quand on les compare aux délais habituels que connaît le secteur de la santé quand il s’agit de se réformer ou de convenir d’avancées sociales. 50 jours, c’est le temps qu’il a fallu pour réunir les différentes organisations représentatives et aboutir à un plan de quelques 27 milliards d’euros, accompagnés d’une série d’annonces de réformes structurelles.

Le sujet de l’attractivité à l’hôpital est au cœur des enjeux

La question de l’attractivité de l’hôpital est centrale au regard de la situation dégradée de ce dernier depuis plusieurs années : postes vacants de plus en plus nombreux, difficultés à trouver des personnels pour remplacer les absences, crise de la démographie médicale, budgets fortement contraints, etc.

Sur ce point, les accords du Ségur proposent des avancées significatives, que ce soit à travers des augmentations salariales historiques pour les soignants, les médecins et les personnels administratifs pour plus de 8 milliards d’euros, de la volonté de réduire un certain nombre de lourdeurs administratives, de l’envie de faire confiance aux professionnels sur le terrain et leur donner plus de marges de manœuvre, ou encore des possibilités de recrutements.

Ces avancées, il faut le souligner, étaient attendues de longue date par l’hôpital public, qui doit évoluer dans un environnement concurrentiel en matière d’attractivité face aux secteurs privés et à l’exercice en ville, à l’heure d’un déficit démographique de professionnels.

À ce propos, l’investissement proposé pour la nouvelle génération en santé avec 200 millions d’euros supplémentaires par an et l’augmentation des effectifs en formation paramédicale sont les bienvenus, même si ces mesures ne solutionnent bien évidemment pas l’intégralité des problèmes rencontrés par les étudiants pendant leur cursus, notamment la rémunération des internes.

Sur ces aspects de revalorisation et d’attractivité, on peut tout de même regretter que le Ségur de la santé n’ait pas initié la mise en place d’une participation forte de l’employeur public à la protection sociale complémentaire des agents hospitaliers. Une telle mesure aurait présenté un triple avantage, particulièrement en période de crise sanitaire : améliorer le pouvoir d’achat des agents, protéger leur santé et renforcer l’attractivité des postes hospitaliers publics.

Redonner des marges de manœuvre pour l’investissement à l’hôpital était impératif

Il n’est pas nécessaire d’être un expert de l’hôpital pour connaître les difficultés financières auxquelles celui-ci est exposé.

Aussi, et là encore, les annonces du Ségur de la santé vont dans le bon sens. En injectant 6milliards d’euros et en réformant le pilotage des grands investissements, le Ségur de la santé (et ses textes d’application à venir) donne de nouvelles marges de manœuvres opérationnelles aux établissements pour préparer et construire leur avenir. Un tournant important alors que les établissements étaient jusqu’alors plutôt habitués aux coupes budgétaires, y compris dans leurs budgets d’investissement, malgré l’urgence des besoins en la matière.

Le virage numérique, le développement de l’ambulatoire, l’appareillage de plus en plus technique, le parc immobilier vieillissant sont autant de secteurs qui vont pouvoir bénéficier de ces fonds complémentaires.

La reprise de dette pour 13 milliards d’euros participera de ce tournant en soulageant les hôpitaux les plus endettés.

Mais ces mesures en faveur de l’investissement ne doivent bien évidemment pas conduire à donner une bouffée d’oxygène temporaire et précaire à l’hôpital, pour revenir dans la même situation de tension dans quelques années. Elles nécessitent d’être complétées par des travaux de fond pour la restructuration de l’offre sur les territoires ainsi que le retour à l’équilibre des établissements de santé afin que ceux-ci puissent garantir leurs besoins en investissements par leurs propres moyens.

Les professionnels attendent dès 2021 des mesures pérennes inscrites dans l’ONDAM et dans la loi de financement de la Sécurité sociale.

Refonder les outils financiers pour plus de souplesse à l’hôpital

Remettre le financier à sa place d’outil au service du soin : c’est l’une des idées qui maille les annonces du Ségur de la santé et qui doit participer à remettre du sens dans le travail à l’hôpital.

Que ce soit par la réforme de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (qui reste encore à construire), la réduction de la part de T2A qui a atteint un nombre certain de limites, l’augmentation de la part de la qualité, ou encore par la plus grande plasticité donnée aux capacités hospitalières avec l’ouverture et/ou la réouverture de 4 000 lits « à la demande », le Ségur va dans le bon sens.

Il n’en demeure pas moins qu’il faudra faire preuve de vigilance sur la mise en œuvre concrète de ces mesures, tant sur le plan financier le diable se glisse toujours dans les détails !

À ce titre, ces réformes du financement auraient grand intérêt à se construire en s’appuyant sur les organismes complémentaires d’assurance maladie qui participent directement au financement de l’hôpital et de ses activités.

Fixer l’accès aux soins des personnes en situation de handicap comme une mesure prioritaire du Ségur est un signal positif

La Mutuelle Nationale des Hospitaliers accueille également avec intérêt les annonces visant à «améliorer l’accès aux soins des personnes en situation de handicap ». Un sujet pour lequel elle s’engage à travers une diversité d’actions concrètes aux côtés et pour les hospitaliers.

Notre Mutuelle a d’ailleurs dédié sa Grande Cause 2020-2023 au sujet de l’accès à la santé des personnes en situation de handicap et sera à la disposition des pouvoirs publics pour leur faire partager ses propositions tout comme les projets innovants et duplicables qu’elle a pu identifier au fil du temps.

Mais un Ségur qui aurait pu aller plus loin sur les sujets de prévention et de qualité de vie au travail

Et si ces différentes avancées sont bien évidemment à souligner, il nous semble que le Ségur de la santé aurait pu aller plus loin sur deux sujets majeurs pour les hospitaliers : la mise en œuvre d’une véritable politique de prévention pour leur propre santé, ainsi que d’une stratégie de qualité de vie traitant des conditions de travail.

Deux éléments qui doivent participer eux-aussi à l’attractivité de l’hôpital : l’un en réduisant drastiquement les risques induits par l’activité professionnelle des hospitaliers, l’autre en participant à de meilleures conditions de travail et de vie au sein des établissements.

Pour ce faire, l’hôpital aura besoin de moyens dédiés, humains comme matériels, ainsi que d’une programmation pluriannuelle sur la base de données précises et d’éléments de contexte factuels permettant de se fixer de vrais objectifs atteignables et utiles.

La mise en place de l’observatoire national de la qualité de vie au travail des professionnels de santé et du médico-social, antérieure au Ségur, témoigne de cette volonté mais doit aboutir à une concrétisation sur le terrain.

Aux pouvoirs publics, aux employeurs et aux agents hospitaliers nous le disons : sachez que vous pouvez compter sur la mutuelle affinitaire et historique de l’hôpital public qu’est la Mutuelle Nationale des Hospitaliers pour travailler avec vous et pour vous sur ces sujets.

Et un Ségur qui ne traite pas le sujet de la protection sociale complémentaire des agents hospitaliers

Alors que la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur le sujet de la protection sociale complémentaire des agents de la fonction publique, le Ségur n’a semble-t-il pas été l’occasion d’aborder ce thème avec les partenaires sociaux de l’hôpital, lequel a été renvoyé à des négociations générales avec les 2 autres versants de la fonction publique.

C’eût pourtant été une occasion parfaite pour esquisser les pistes de réforme, en même temps qu’étaient traités les sujets des rémunérations ou encore des emplois.

Car l’hôpital n’est pas la fonction publique d’état ou la fonction publique territoriale, et aurait ainsi gagné à traiter ses spécificités en amont d’une discussion plus globale. Quid de l’article 44 de la loi de 1986 et des soins gratuits ? Quid de la prestation dite « maladie » du CGOS ? Quid d’une possible participation de l’employeur public aux cotisations de ses agents et du financement de cette participation ? Quid des besoins en termes de santé et de prévoyance ? Quid des principes généraux de cette réforme ?

Aujourd’hui confiée au ministère de la Transformation et de la fonction publiques, cette refonte de la protection sociale complémentaire des hospitaliers devra veiller selon nous à respecter 3 principes essentiels :

• La solidarité intergénérationnelle, inscrite comme principe dans le marbre de la loi et dans les pratiques d’une mutuelle comme la Mutuelle Nationale des Hospitaliers pour garantir un accès à une protection sociale complémentaire aux agents retraités. Une disposition sociale qui revêt d’autant plus d’importance que les nouveaux opérateurs entrants dans le secteur hospitalier, parmi lesquels des mutuelles, n’entendent pas la mettre en œuvre ;

• L’égalité de traitement des agents pour éviter un phénomène de concurrence entre employeurs publics hospitaliers à l’heure où les difficultés d’attractivité sont déjà nombreuses pour certains d’entre eux ;

• La mise en place, dans un cadre national, d’une participation concrète des employeurs publics à la protection sociale complémentaire des agents, intégralement financée pour ne pas nuire à un équilibre budgétaire parfois fragile ;

• Comme le Ségur, cette réforme à venir doit s’inscrire comme une véritable avancée sociale, au risque de produire des effets négatifs pour la protection sociale complémentaire des hospitaliers, à l’heure où nous leur devons plus que jamais notre pleine reconnaissance.