La « transition » en tant que stratégie de transformation progressive de nos sociétés industrielles en sociétés soutenables ne semble pas fonctionner

Dr Imane Kendili

Psychiatre, Psychothérapeute, Addictologue, Sexologue, Chroniqueuse et Auteure

« Mais je n’en veux pas, du confort. Je veux Dieu, je veux de la poésie, je veux du danger véritable, je veux de la liberté, je veux de la bonté. Je veux du péché.
– En somme, dit Mustapha Menier, vous réclamez le droit d’être malheureux.
– Eh bien, soit, dit le Sauvage d’un ton de défi, je réclame le droit d’être malheureux.
– Sans parler du droit de vieillir, de devenir laid et impotent ; du droit d’avoir la syphilis et le cancer ; du droit d’avoir trop peu à manger ; du droit d’avoir des poux ; du droit de vivre dans l’appréhension constante de ce qui pourra se produire demain; du droit d’attraper la typhoïde ; du droit d’être torturé par des douleurs indicibles de toutes sortes. »

Le Meilleur des mondes

Nous sommes dans un temps de solidarité obligée. Il semblerait que toutes les théories alarmistes à consonance psychotique des écologistes, ou encore des plus critiqués collapsologues, soient aujourd’hui un tournant de réflexion à investir. Des prévisions de Nostradamus en arrivant à Greta Thunberg et ses grèves pour le climat à Davos, sans oublier le petit manuel de collapsologie de Servigne et Stevens, il semble évident que l’Homme résident inhabituel sur Terre puisque le seul à adapter son environnement à ses désirs et son confort mouvants au lieu de s’adapter à son écosystème. Il a ainsi puisé dans la Terre-Mère et a érigé une civilisation thermo-industrielle macrophage. Les prévisions sont claires. Dans moins de 30 ans, nous n’aurons plus la capacité d’énergie pour fonctionner. Les réserves prévoient un tiers de la capacité actuelle et les énergies renouvelables sont un rêve chimérique derrière lequel on se cache afin de continuer la course technologique autodestructrice, laquelle, en fin de compte assoit l’Homme dans un libre-arbitre souvent dénié philosophiquement, mais bien présent en une conduite suicidaire de toute l’humanité.

Armé d’une lampe diogénique, je m’acharne. Aidez-moi à ce cheminement. Je cherche un Homme. 

L’avenir de l’homme est rat

L’humanité a longtemps lutté contre bien des maladies décimantes. Les disettes ont aussi fait leur temps. Le rat a été l’ennemi de l’Homme pendent bien des siècles. Traqué, guetté, haï, le rat s’est terré dans une grande sagesse et en connaissance du cycle de la vie.
Le rat a attendu le tour de l’Homme pour se rire de lui. Aujourd’hui, l’Homme se terre. L’Homme se fuit. L’Homme se Mure. L’Homme a peur de lui-même. Malheureusement, l’Homme n’étant pas terrien, il ne possède pas cette mémoire collective sage qu’a le rat ou avant lui le mammouth.
Il faut se rendre à l’évidence que l’énergie solaire requiert du soleil et qu’elle est intermittente. Il faut aussi se dire que les éoliennes sont tributaires du vent ? Et surtout s’enquérir de la réalité logistique et du coût. Car, que nous le voulions ou non, la balance des bénéfices reste le pilier principal de réflexion mondiale.
Mobiliser et prévenir ont été les maîtres-mots. La « transition » en tant que stratégie de transformation progressive de nos sociétés industrielles en sociétés soutenables ne semble pas fonctionner. La réalité est que cette « transition » s’est enkystée au stade de théorisation et médiatisation. L’avenir de l’humanité est en fait une conversation de salon en milieu bobo chic, ou encore, un budget apprêté à de belles organisations écologiques pleines de bon sens, de passions et de recommandations mais aux répercussions restant très limitées.
Pourquoi ?

L’avenir de l’humanité est en fait une conversation de salons en milieu Bobo chic, ou encore, un budget apprêté à de belles organisations écologiques pleines de bon sens, de passions et de recommandations mais aux répercussions restant très limitées. Pourquoi ?

Pourtant si l’effondrement a lieu, même les mieux nés dans des soi-disant continents nantis, ne pourront pas déménager en des lieux interplanétaires sûrs. L’Homme dans sa course d’exploitation de la Terre n’a pas une option Terre 2. Mais alors, l’effondrement concernerait une sélection naturelle. Cette sélection naturelle se ferait-elle par l’eau ? Par le feu ?
L’amygdale est une entité cérébrale bien présente chez l’Homme, centre de toutes les peurs et socle de nos angoisses. Le plus drôle est cette peur bobologique inhérente à l’Homme qui craint une rage de dents et sort embrasser la foule en conquérant invincible en temps de covid.
Je ne sais. Par contre, ce qui est scientifiquement évident est le réchauffement climatique, la fonte des calottes glacières et la déstabilisation de l’écosystème en entier. Les conséquences sont également soulignées et évidentes. L’augmentation des crises alimentaires et de l’eau. Or, la Terre est surpeuplée.
Par ailleurs, l’augmentation croissante des gaz à effet de serre contribue au réchauffement climatique.
à l’origine des causes et des conséquences citées : les activités humaines. L’exploitation des combustibles fossiles et les déforestations.
Ces éléments ne sont pas nouveaux. Ils sont d’actualité avec l’arrivée du Covid amenant l’Homme à sa réalité non immuable. La température actuelle n’a jamais été atteinte depuis 2 millions d’années selon les scientifiques et le 5e rapport du GIEC. Aurions-nous maladroitement mal interprété les schémas griffonnés de Fulcanelli à Julien Champagne ? Aurions-nous inconsciemment refoulé l’inévitable ? Serions-nous en train de vivre le Finis Gloriae Mundi remis à Canseliet ? L’Homme court-il à sa perte ?

Le plus risible est que contrairement à ce que nous pourrions penser, nous ne sommes qu’une niche de l’écosystème. Et si nous étions amenés à disparaître, ce serait une niche de moins et non un monde de moins.
D’autres espèces plus résistantes ont disparues. Pourquoi l’Homme dans son narcissisme idiocratique et malgré son intelligence et sa mémoire a-t-il occulté une mémoire collective héritée pour reproduire son déclin de manière freudienne ?
Mieux encore ! Comment l’Homme peut-il avoir la prétention de penser que le monde finirait avec lui ? Comment un être aussi finement intelligent serait en un même temps aussi crédule et autocentré ?
Le Covid a pourtant souligné la fragilité de l’Homme et des systèmes de santé mondiaux. Aucune technologie ni aucun PIB n’ont permis l’éradication d’un virus ni la protection de l’Homme. Une deuxième vague pointe du nez et se terrer reste la solution première. Retour aux grottes. Système familial nucléaire primal.
L’ordre est sagement observé par les rats. Mais cette fois, les premiers qui quitteront le navire seront les Hommes. Nous devons nous rendre à l’évidence. Nous sommes faits comme des rats.
Pourtant, à y voir de plus près, on continue à fuir la réalité. On attend un retour à une vie dite normale. On sort, on va à la plage. On s’«âme»-use. Car l’Homme se pense incontournable dans l’écosystème. Et si tout reprenait sans lui ? La fin d’un monde certes. Mais en aucun cas la fin du monde.

Le meilleur des Mondes

Les masques sont portés par certains en « dessus » sexy accessoirisés. On retrouve des swarovskis sur certains, des griffes en contrefaçon ou pas, scandaleuses certes, mais acceptées. Pire ritualisées ! Faites vos achats pour des masques dernier cri qui ne couvriront pas vos lèvres repulpées au time-filler pour une oralité désormais muselée. C’est le cas de le dire ! Nous en sommes au musèlement. Pas contraint ni forcé mais désiré. Qui aurait cru ?
Revenons au rat ou à la souris. Le rat est une sorte de race « aryenne » d’origine sélective naturelle chez les rongeurs. Il incarne symboliquement la sagesse en Chine. Le burlesque est à son comble ! Un virus importé de Chine afin de projeter la sagesse du rat en chacun de nous.
La traque arrive à grands pas. Les regards noirs fusent. Les personnes contact sont de mauvais augure. Avoir un parent atteint du covid tient du mauvais œil ou d’une malédiction résistant à l’eau salée cette fois-ci. Les charlatans et scribes en tout genre doublés des cartomanciennes et apothicaires de fortune aux étalages toxiques sont à court de recettes miracles. Et pourtant si le miracle ne pointe pas du nez, la magie devra porter ses fruits. En tous cas tout autre état possible imaginaire, virtuel ou paranormal mais surtout pas la réalité, la responsabilité ou l’acceptation. Normal. Car cela engage un engagement concret où la magie n’a pas de place. Les litres de plomb adulés par les Marocains tout niveau socio-économique confondus, l’intellectuel étant à recatégorifier à la sauce locale, ne donneront vie qu’à de nouvelles années de plomb. La symbolique perdure si la magie s’envole.
Réveillons-nous !

Nous devons nous rendre à l’évidence. Nous sommes faits comme des rats.

La vie ne changera pas car les chamans ont pleuré toute la nuit pour la pluie ou que nos prières ont été ferventes et démesurées. L’action passe par l’acceptation de la réalité.
Le retour à la réalité est rude mais nous y sommes.
Les étapes sont claires. Après le déni, la colère, la fuite, viendra l’acceptation. Mais l’Homme poisson rouge, loin du rat trop sage, oublie avant même d’avoir fait sa propre roue. Et pourtant, il inventa la roue !
On demande la libération. Ou plutôt l’aliénation. Le souffle court pour souligner le paradoxe, nous attendons nos passeports immunitaires et nous faisons la queue pour les tests Covid, la boule au ventre. On est plus préoccupés par la réouverture des restaurants et des bars que par le sort de l’Homme. Le virus tue. Et alors ? Qu’il passe ma porte et décime !
Des « Marie-Antoinette » aux masques griffés s’inquiètent de la tenue de leurs rouges à lèvres sous ces masques et pianotent à la recherche d’un prince charmant virtuel à coups d’émoticônes. Les rêves n’existent plus. L’imaginaire est obsolète devant le concret d’Instagram. On perd nos neurones à vue d’œil, accrochés à la chute libre de notre sérotonine devant les smartphones. Mieux encore, nos enfants sont mis très tôt aux écrans pour avoir la paix ou devant des chaînes autistiques certaines aux sons pseudo-musicaux en balancier.
Un monde moderne qui à force de technologie et de course à une intelligence artificielle fantasmée a perdu les amorces de l’intelligence qui sont la toile de l’imaginaire et du rêve devant le vide. Un vide qu’on fait fleurir d’idéaux, d’inventions, de réflexions, de pensées, de dialogues, d’introspection, de monologues et Tesla fut.
Depuis quand l’Homme a cessé l’invention ? Inventer relève de l’utopie. Aujourd’hui, l’innovation a tout pris. Le technologique a tué l’Homme.
Le « je pense donc je suis » devient burlesque. Penser ? Quelle prétention ? Par soi-même ? Encore plus risible ? Nous pensons, vivons, sentons, voulons, désirions, aimons les mêmes choses. Huxley me manque tout d’un coup. Pas même besoin de nous enfermer. Nous nous enfermons nous-mêmes plus apeurés de manquer de burgers ; je vous rappelle la ruée vers les fast-foods à la sortie du confinement, que de l’avenir de nos enfants.

Freud a failli

Nos enfants sont dans une totale insécurité du lendemain. Au gré des résiliences, certains y resteront. L’agoraphobie et l’addiction aux écrans sont à revoir dans les classifications puisque la frontière entre normal et pathologique fait glisser l’aiguille du pathologique vers une normalité d’adaptation forcée.
De même que les relations sociales multiples en tant que signe de bonne santé. Garder sa santé aujourd’hui rime avec garder ses distances. Ne pas baisser sa garde. On est à l’abri terré chez soi en sécurité dans l’ombre. Le sablier arrive à son écoulement final. L’ordre des hommes est fortement secoué par la nature qu’il a lui-même courroucée. Les niches sont en branle. La sélection naturelle s’opère sans nous. Aucune intelligence humaine ou artificielle n’est requise.
Pas d’école. Une épée de Damoclès qui s’abat sur les têtes de nos chérubins avides de retour à l’école. Les cartables sont faits. Les goûters choisis et précieusement doublés pour les plus nantis. Les fournitures achetées par listes entières et pour l’année comme si devant une pénurie d’eau ou de blé on s’inquiéterait d’une pénurie de stylos. Imaginez la frustration et le dépit de ces enfants apprêtés à reprendre le chemin de la vie qui s’endorment sur un fait pour se réveiller sur un autre. Une classe ouverte, une classe fermée. Et bonjour l’insécurité émotionnelle ! Il est évident que la santé mentale de nos enfants n’est guère prise en compte. Les temps sont durs de par le monde et les décisions sont très difficiles à prendre pour tous les gouvernements, mais la communication est le cheval de bataille de toute crise, sanitaire ou autre. Décider la décroissance n’est en aucun cas envisageable par les grandes puissances mondiales. Au contraire, c’est la croissance tous azimuts. On fonce. On y va. On a tout à perdre, mais étant déjà en enfer, on ne peut s’arrêter d’avancer. Une simple logique, en somme. Nous savons que la chute est proche, mais on y va. On y va parce qu’on n’a plus le choix. Croire le contraire est la pire des erreurs à faire, aujourd’hui. La marche vers le désastre est sans appel. Un retour sur ces mêmes théories des collapsologues nous amènerait à réfléchir autrement l’avenir de nos enfants. Le système scolaire sociabilisant et épanouissant jusqu’à une certaine mesure car bien des programmes sont fortement critiquables. Je trouve très idiot de classifier les enfants selon une échelle rigide assez fermée n’incluant guère l’imagination et la créativité dans l’apprentissage. Les plus grands scientifiques et inventeurs ont d’abord été philosophes, peintres et rêveurs. Or, la place au rêve n’est plus. On rêve pour nous. Et on concrétise par objets cumulés et non par accomplissements ressentis. Consommation oblige. Bon ! Nous avons bien consommé. Pouvez-vous prendre en compte le ressenti d’un enfant en pleine croissance physique, mentale et sociale devant un avenir incertain ? 

Néron est un petit joueur. S’il a brulé Rome pour rentrer dans l’Histoire, nous brulerons la Terre entière. La psychanalyse est dans le coma. Freud a failli.

Si les adultes sont impuissants et que leur gouvernement s’emmêle les pinceaux, que faire de nos enfants ? Voici le constat à froid. Car prendre des mesures draconiennes pour sauver les meubles peut engendrer le chaos, aujourd’hui. Logiquement, il est préférable d’ajourner la catastrophe. 10 ans. 20 ans. 30ans. Avec l’espoir illusoire qu’un miracle se produise. La réalité n’est pas covidienne seulement. Elle est économique. Elle est environnementale. Elle est énergétique car la Terre s’épuise en ressources primordiales. Elle est collapsologique. Le possible effondrement de notre civilisation industrielle. On ne parle pas de la fin du monde, mais plutôt de la fin d’un monde. Un monde où l’Homme dilapide de manière conditionnée un héritage terrien précieux loin d’être inépuisable. Les êtres vivants et la nature sont malheureusement de vulgaires ressources à dilapider pour nourrir des pulsions expansionnistes. Mieux encore, l’Homme est devenu ressource et objet de consommation pour l’Homme. La culture du déshumain est en place et les masques tombent. La bouche aux lèvres surdimensionnées, témoin de l’oralité sacralisée chez l’Homme moderne est enfin une partie intime grâce au covid. Et à bon escient !
Nous en sommes arrivés à ce stade. Attendre un miracle. C’est l’unique porte de sortie pour cette civilisation. Évidemment, aucun miracle ne pointe à l’horizon. « Des économistes justifient rationnellement ce souci exclusif des profits à court terme en arguant qu’il peut-être de meilleur aloi de récolter une ressource aujourd’hui que demain, dès lors que les profits d’aujourd’hui peuvent être investis et que les intérêts de cet investissement entre aujourd’hui et demain tendent à rendre la récolte d’aujourd’hui plus valable que celle de demain. Quitte à ce que les conséquences néfastes soient supportées par la génération à venir, qui, par définition, n’est pas encore ici pour faire droit à une prospective à long terme. » (Jared Diamond, Effondrement, page 672). Il faudra faire partie des survivants. Mad Max n’est pas loin, et là aussi le plus drôle c’est que le film se déroulait en 2021. C’est à réfléchir différemment car si on doit survivre sans le confort autodestructif actuel, nos enfants devraient apprendre à bêcher et planter. Puis à chasser et allumer un feu. Le retour aux grottes a débuté par des confinements et se terminera par une autarcie certaine, de plus en plus étriquée.
Nous avons une date buttoir pour jeter l’éponge. Rien ne va plus. Les scénarii qui se profilent ne sont pas nombreux. La nature finira par prendre le dessus et les humains auront livré un dernier combat pour s’exterminer eux-mêmes.
S’adapter et survivre passera par une sélection naturelle déjà bien entamée par le Covid. Qui seront les enseignants de demain ? Doit-on penser mathématiques, arts et lettres ? Ou chasse, pêche et cueillette ? Apprenons-leur à bêcher !
La fuite, dans le déni et le clivage, est le mécanisme le plus visible ces derniers mois. On attend la fin du cauchemar et on se projette dans une vie post-covid. On attend un miracle. On attend le retour à l’école. Toujours en attente de miracles, l’Homme se ment.
Le déni et le clivage sont plus faciles d’accès pour des cerveaux en low battery. La fuite vers l’avant. Car décideurs ou pas, grandes puissances ou pas, le narcissisme règne. Néron est un petit joueur. S’il a brûlé Rome pour rentrer dans l’Histoire, nous brûlerons la Terre entière. La psychanalyse est dans le coma. Freud a failli.