Notre communauté Sécurité-Défense est très particulière, notamment pour les militaires engagés à servir au péril de leur vie la communauté nationale et qui bénéficient pour cela d’un statut leur assurant la reconnaissance de la nation.

Dominique de Lorgeril

Administrateur APNM-Marine – Président d’Union-APNM & ancien membre du CSFM ayant été Secrétaire général du CFMM

Afin de pouvoir proposer une réflexion sur l’avenir de la Protection sociale pour la communauté Sécurité-Défense, au regard de ma propre expérience de militaire longuement engagé au sein des organismes de concertation institutionnelle, il faut parvenir à s’entendre sur ce que peut être pour nous la Protection sociale.

Pour toute communauté humaine, l’entraide, la complémentarité, le respect de l’égale dignité de chacun et le sentiment d’appartenance sont des valeurs qui permettent le plein épanouissement de tous dans la confiance de ne jamais être abandonné aux aléas des inévitables épreuves de la vie personnelle, familiale ou professionnelle.

N’est-ce pas avant tout cela se sentir socialement protégé au sein de sa communauté ?

Notre communauté Sécurité-Défense est très particulière, notamment pour les militaires engagés à servir au péril de leur vie la communauté nationale et qui bénéficient pour cela d’un statut leur assurant la reconnaissance de la nation. Ce statut est censé être protecteur mais il n’a cessé d’être attaqué, ne serait-ce que par l’érosion du temps et par une longue et heureuse période de paix qui fait naturellement oublier les impératifs d’une défense reposant sur une communauté humaine justement considérée.

Les chefs militaires, à tous niveaux, étaient chargés par le statut de protéger leurs subordonnés, mais ils se sont inéluctablement sentis contraints de se soumettre au nivellement des décisions interministérielles, encadrés par leurs aspirations de carrière ou de rémunération par objectifs. Il a alors fallu y suppléer par une organisation de concertation institutionnelle qui, après de multiples évolutions, vient de donner naissance à l’institutionnalisation, par la loi du 28 juillet 2015, des Associations professionnelles nationales de militaires (APNM), en complément de tous les autres acteurs de la concertation.

Mais qu’apportent réellement les APNM à la concertation et à la Protection sociale qui fait pleinement partie de la condition militaire ?

Trois nouvelles capacités permettent aux APNM d’agir : leur personnalité juridique qui offre aux APNM la possibilité d’agir en justice (déjà deux procédures gagnées devant le Conseil d’État pour faire modifier un arrêté ministériel contraire aux libertés publiques fondamentales), leur pleine liberté d’expression vers les médias et les parlementaires (les APNM ont été officiellement auditionnées par les commissions parlementaires alors que le CSFM, Conseil supérieur de la fonction militaire, ne l’avait jamais été en 50 ans depuis sa création en 1969) et leur autonomie économique qui permettra par exemple de proposer une vraie protection juridique professionnelle, de commanditer des enquêtes d’opinion indépendantes ou d’agir en partenaire pour soutenir des grands projets à caractères sociaux, comme la réhabilitation du site du Val-de-Grâce portée entre autres par La France Mutualiste.

Certes, il faut encore que les APNM trouvent progressivement leur place, et que les militaires eux-mêmes comprennent l’importance de pouvoir être collectivement représentés dans le paysage actuel des organismes sociaux, professionnels et démocratiques qui interagissent dans tous les domaines couvrant leur condition militaire et leur Protection sociale.

Aujourd’hui, il existe onze APNM, unies pour six d’entre elles au sein d’UNION-APNM qui regroupe APNM-Marine, APNM-Commissariat, France-Armement, APRODEF (Essences et Armement), AP3M (Affaires maritimes) et GEND XXI (Gendarmerie), et dont cinq sont déjà reconnues représentatives.

Leurs membres, militaires en activité de service, ne sont encore que quelques milliers, mais nul doute que la situation va rapidement évoluer, comme l’exemple nous est donné en Allemagne où la Bundeswehr-Verband a été créée après la guerre en 1953. Ils sont restés quelques centaines de membres les premières années, mais aujourd’hui, ils sont 200 000 membres, réunissant plus de 80 % des militaires allemands en activité, et disposent ainsi d’une incontournable force d’action et d’une véritable protection juridique professionnelle.

Je voudrais pouvoir espérer, en conclusion de cette courte réflexion, que l’ensemble des partenaires qui vont œuvrer pour construire l’avenir de la Protection sociale de la communauté Sécurité-Défense auront la volonté d’imaginer, en lien et parfois en partenariat avec les APNM et les diverses associations communautaires, une Protection sociale globale, au sens large, incluant l’intégralité de la personne humaine, sa famille et de nombreux domaines de la condition militaire, comme le soutien des organismes de concertation et de représentativité, l’entraide au travers des associations caritatives, et la protection juridique professionnelle qui seule peut permettre de garantir l’égale dignité de chacun.