Malheureusement, tous les militaires en activité ne sont pas protégés. De l’ordre de 25 % des jeunes recrues engagées au service de la Nation sont sans protection référencée, voire sans aucune mutuelle.

Jean-François Furet-Coste

Président de Solidarm

La condition contraignante du militaire et de son entourage, famille et proches, leur confère le respect de la Nation. Au cœur de la Grande Guerre, en 1917, Clemenceau l’exprimait en ces mots : « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ont des droits sur nous. » Pour un militaire, l’engagement est en effet lourd de conséquences, puisqu’il peut mener au sacrifice suprême, au nom de la protection et de la défense de ses concitoyens.

Cette communauté de militaires est donc unique au sein de la Nation. Héritage de la Révolution, creuset de la cohésion et de l’identité nationale incarnées dans la République française, l’armée est un modèle d’engagement collectif.

Le choix volontaire, à la fois individuel et collectif, d’appartenir malgré les risques à la communauté militaire, nous engage d’autant plus, nous, mutualistes en tant qu’acteurs de la Protection sociale. Nous nous devons d’apporter aux militaires des garanties et des compensations en reconnaissance et en réparation de leur engagement.

Comme toutes communautés professionnelles et de valeurs, la communauté militaire n’est pas figée. Elle est en réinvention permanente, au même titre que le mouvement mutualiste, du fait de son rapport avec le monde civil, de son sentiment de reconnaissance par la Nation… Les armées jouissent d’une excellente image dans la société française1. Les attentats qui ont meurtri la France en 2015/2020 et le déploiement consécutif de l’opération Sentinelle sur l’ensemble du territoire auront sans nul doute contribué au resserrement du lien entre les Français et leur armée. L’opération Résilience, qui aura mobilisé les différentes forces militaires pour lutter contre la pandémie de Covid-19, et l’intensification des actions de proximité menées par la Gendarmerie, comme l’opération Répondre Présent, auront aussi fortement contribué à renforcer la confiance des citoyens à l’égard de leur armée : transports médicalisés par voie aérienne, hôpital de campagne dans le Grand Est, évacuation des malades de Corse vers le continent, transport logistique (matériel médical, médicaments…)… autant d’actions menées par les militaires en soutien des populations et tout particulièrement des personnes les plus vulnérables.

L’abnégation des militaires ne fait pas moins d’eux des hommes et des femmes potentiellement fragiles, comme nous tous. Je considère que leur offrir une Protection sociale adaptée est un enjeu stratégique qui dépasse celui de la santé publique. Nous devons le prendre en compte pour assurer l’opérationnalité de nos forces, sur le territoire national comme à l’étranger.

Malheureusement, tous les militaires en activité ne sont pas protégés. De l’ordre de 25 % des jeunes recrues engagées au service de la Nation sont sans protection référencée, voire sans aucune mutuelle. Or, 50 % des militaires d’active déclarent avoir eu un problème de santé au cours des 12 derniers mois (troubles musculosquelettiques et troubles du sommeil, notamment). 20 % des militaires disent avoir vécu un événement potentiellement traumatique et près de 30 % ont ressenti des symptômes compatibles avec le syndrome post-traumatique2. La pandémie de Covid-19 démontre, s’il en était besoin, l’absolue nécessité de proposer aux Français une couverture globale des risques santé, prévoyance, dépendance et décès. Le virus ne connaît pas de frontières. La guerre non plus. Les militaires prennent tous les risques : celui d’être blessés, d’être handicapés, de devenir dépendants ou de mourir. Ils doivent donc bénéficier d’une protection élargie.

De ce point de vue, le ministère des Armées a référencé des opérateurs proposant des offres couplées santé et prévoyance. Mais il faut aussi s’assurer que tous ceux qui s’engagent au péril de leur vie sont protégés et donc aller plus loin qu’une simple communication sur l’existence d’offres référencées. Entre l’information élémentaire et la couverture obligatoire, je suis convaincu qu’il existe différentes voies permettant de s’en assurer. Pourquoi ne pas responsabiliser celles et ceux qui font le choix (est-ce réellement un choix ? N’est-ce pas plutôt un « non-choix » résultant de la complexité introduite par le multi-référencement ?) de ne pas se protéger en leur demandant, par exemple, de signer un document déchargeant l’Institution de toute responsabilité à leur égard, ce qui garantirait une renonciation à être protégé en toute connaissance de cause ?

Le secours de la veuve et de l’orphelin n’est pas une idée surannée. En plus d’être protégés, les membres de la communauté militaire doivent être également aidés. La spécificité de leurs inquiétudes, fragilités, maux (logement, garde d’enfants, handicap, reconversion…) requiert un accompagnement social individualisé. Car le besoin exprimé est davantage celui d’être accompagné et guidé que d’obtenir une simple aide financière. Écoute, dialogue, disponibilité, analyse de la situation, recherche de la solution la plus adaptée, c’est ce en quoi consiste le véritable accompagnement social.

Plus encore que la solidarité, c’est l’« entraide » qui parle au cœur des membres de la communauté militaire. Une grande variété de dispositifs de soutien, servis par de nombreux organismes (ministères, associations, fondations, mutuelles…), avec des moyens, somme toute conséquents, sont mis à leur disposition. Toutefois, nous constatons que ces dispositifs sont encore trop peu lisibles et sans doute également insuffisamment coordonnés. À ces dispositifs affinitaires s’ajoutent ceux de droit commun parmi lesquels il est souvent complexe de se retrouver. Simplifier l’accès aux aides et mettre en œuvre un service d’accompagnement personnalisé pour les militaires et leur famille me semble essentiel. C’est pour répondre à cette nécessité que Solidarm, la mutuelle sociale des forces armées, a été créée. Au-delà de mutualiser les aides de la Mutuelle de l’Armée de l’air et de la Mutuelle nationale militaire, Solidarm oriente les membres de la communauté Sécurité-Défense vers les différents dispositifs de soutien existants en fonction de la situation de chacun, quelles que soient son armée d’appartenance ou sa couleur d’uniforme. Dédiée à l’innovation sociale, Solidarm entend apporter le bon soutien au bon moment, de façon ponctuelle et exceptionnelle, aux membres de la communauté Sécurité-Défense, dont elle se veut le « bienfaiteur ».

La pérennisation de la solidarité et d’une Protection sociale adaptée à ceux qui nous protègent n’est qu’une juste cause garantissant l’efficacité opérationnelle des forces, et par là même la défense de notre Nation. C’est l’essence même de la mutualité militaire.

1 Plus de 80 % des personnes interrogées disent avoir une bonne image des armées perçue comme «  efficaces  » (79 %), «  réactives  » (79 %) et «  rassurantes  » (77 %), in C. Marin, Les Échos, 5 décembre 2019.

2 CNMSS/SSA, enquête nouvelle génération, février-avril 2019.