Critique Littéraire

Le journal qui se referme sur une crise qui dure, pose les bases d’une réflexion nécessaire sur le « monde d’après » pour « réinventer demain

Par Anaïs Fossier, Chargée d’études au CRAPS

« La crise est le moment où l’ancien ordre du monde s’estompe et où le nouveau doit s’imposer en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions » disait Antonio Gramsci, et, nombreux sont ceux qui présentent la crise épidémique comme un possible tournant vers  un monde meilleur. L’expression «  le monde d’après  » fait florès. Convaincu que ce « monde d’après » doit être différent de celui d’avant, le Président de la Mutualité Française, Thierry Beaudet, appelle de ses voeux une société recentrée sur l’humain, plus solidaire, plus écologique et invite à repenser le soin mutuel pour « réinventer demain ».

Chaque jour – de l’annonce de la création d’un Comité scientifique à l’annonce de l’ouverture d’un Ségur de la santé – l’auteur s’attèle à la délicate tâche de tirer des enseignements de la crise sanitaire et à énoncer des solutions. De l’urgence sanitaire aux soins du quotidien, sur nos fragilités mises en lumière durant la crise, il dessine les contours d’une société solidaire, plus à même de nous protéger, de partager la valeur et de créer de l’égalité pour répondre aux urgences écologiques et sociales d’aujourd’hui et de demain.

Engagé aux côtés de tous les mutualistes, qui, dans les centres de santé, les cliniques ou les Ehpad ont su trouver des solutions en dépit des nombreuses difficultés rencontrées, l’auteur, dans un véritable plaidoyer de l’esprit mutualiste a souhaité marquer «  l’action de tous ceux qui ont fait acte de solidarité et de créativité, partout en France  », reconnaissant en première ligne « le mutualisme que nous aimons, son esprit d’innovation, sa vocation à l’entraide, au sens du collectif et du partage  ». Thierry Beaudet rappelle alors que ce sont les microsolidarités quotidiennes, l’action en proximité des acteurs et l’altruisme spontané des citoyens les uns envers les autres qui ont constitué la première ligne dans le combat contre la crise épidémique.

Durant cette crise inédite, le soin mutuel s’est donc installé partout, par l’engagement de chacun. Et, «  lorsque chacun prend soin de chacun c’est l’entraide qui l’emporte,  lorsque chacun prend soin de la société c’est l’intérêt général qui l’emporte,  lorsque la société prend soin de chacun, c’est la solidarité qui l’emporte ». Le Président de la Mutualité Française entend ainsi porter avec force ce triptyque « entraide, intérêt général et solidarité » au coeur du mutualisme et de ses grands combats, lors des débats – fondamentaux – qui devront avoir lieu à l’issue de la crise.

Afin d’accompagner les évolutions de demain, le Président formule dans son journal des propositions. Il préconise notamment à cet égard, d’inventer des solutions solidaires ayant vocation à favoriser les dynamiques d’entraides, à freiner les inégalités nouvelles, à réduire les isolements et les grandes factures. Il préconise d’autre part, d’inventer des réponses adaptées aux nouveaux risques, aux grandes mutations et aux usages émergents dans une articulation efficiente avec l’État-Providence. Enfin, Thierry Beaudet invite à réinventer la santé dont nous avons besoin, c’est-à-dire «  humaine puisque le patient y est au centre, démocratique puisque l’accès et l’implication de tous y sont assurés et préventive puisque l’éducation à la santé et le mieux être en sont les fondements ».

Pour conclure, si les pouvoirs publics ont fait preuve de réactivité, les Français de responsabilité et de citoyenneté  et que l’État-Providence a pleinement joué son rôle «  d’amortisseur  », l’auteur, au fil des pages affine son analyse et identifie les failles constatées durant la crise : défaut d’anticipation, manque de reconnaissance des soignants, gouvernance hospitalière trop complexe, défiance à l’égard des vaccins, absence d’une réelle politique publique de prévention… Ce journal qui se referme sur une crise qui dure, pose les bases d’une réflexion nécessaire sur le « monde d’après » pour « réinventer demain ».