Une accélération des réformes institutionnelles, pour ne pas laisser des blessés sans les aides matérielles à la reconversion, pourrait éviter des naufrages individuels.

Patrick Remm

Directeur des éditions Le Casque et la Plume

Depuis 1921, la Protection sociale des militaires exerçant au service de la Nation est le fondement de l’Union des blessés de la face et de la tête, dite aussi : les «  Gueules Cassées  ». Elle apporte une aide morale et matérielle aux plus démunis parmi les mutilés et blessés de la face et de la tête.

La loi du 31 mars 1919 établit le droit à réparation en instaurant un guide barème de gravité pour l’octroi des pensions militaires d’invalidité (PMI). Le décret de 1992 reconnaît le traumatisme psychique de guerre. Dès lors, la réparation ne peut plus se limiter à l’attribution d’une PMI. Une aide médico-sociale doit compléter les indemnités pour aider le blessé de guerre à se reconstruire en plus du travail émérite des associations.

Des pistes d’amélioration existent. Elles méritent un regard objectif pour poursuivre en pleine connaissance de cause les évolutions au profit de nos blessés.

Faire reconnaître le dispositif de prise en charge et d’accompagnement des blessés permet de constater l’ampleur des efforts réalisés depuis les années 2000 et la volonté explicite d’y associer les blessés psychiques. Si le parcours de soins est complet et cohérent sous la direction du Service de santé des armées (SSA), ceux des parcours administratifs, de reconstruction ou de réinsertion sont fragmentés et font l’objet de réglementations complexes.

Dans le champ administratif, la reconnaissance financière est la principale aide concrète que les blessés peuvent toucher. Le fonds de prévoyance ne peut intervenir que sur les décisions de réforme du SSA alors que beaucoup de blessés psychiques ont quitté l’institution.

L’expérience des acteurs de cette chaîne est reconnue. La difficulté de coter les pensions des blessés psychiques constitue une source de frustration contre-productive chez ces derniers qui, bien souvent, contrairement aux blessés physiques, commencent à réaliser leurs démarches avant que leur mal ne se soit stabilisé, entraînant ainsi l’alourdissement administratif.

D’une façon très pragmatique, les blessés psychiques souffrent de leur période de vulnérabilité et l’isolement entraîne de longues interruptions de travail et de non-activité.

Un statut de blessé conditionnel avec celui de militaire d’active ou d’ancien combattant pourrait permettre de bénéficier d’une infrastructure concrète d’accueil facile d’accès et polyvalente pour leur offrir une aide administrative mais aussi de reconstruction et de réinsertion. Il trouverait réunis des interlocuteurs spécialisés pour répondre à la variété des cas, une empreinte institutionnelle réduite, une solution d’aide caritative ou de première nécessité (offre d’hébergement d’urgence).

Le principal intérêt de ces structures qui s’appuieraient sur le réseau ONAC-VG serait la répartition géographique décentralisée vers les déserts militaires où se replient nombre de blessés psychiques durant leurs longues périodes de non-activité.

Le projet de « Maison du vétéran » porté par le chef d’état-major de l’Armée de terre semble correspondre à cette idée.

Il s’agit d’un projet de réhabilitation psychosociale dédié à l’accompagnement des militaires blessés pour leur permettre de se relever, dans un environnement non médicalisé, combinant accompagnement psychosocial, projet de vie, reprise d’activité.

Pour engager le processus de retour à la vie professionnelle, les stages du Centre de ressources des blessés de l’armée de terre (CREBAT) permettent aux participants de repartir avec un projet professionnel ou – a minima – avec des pistes de réflexion. Plusieurs approches sont menées à travers la pratique sportive en montagne, la médiation animale et le projet « Cognidive », plongée sous-marine alliée à des exercices de sophrologie, destiné aux blessés du trouble de stress post-traumatique.

Une accélération des réformes institutionnelles pour ne pas laisser des blessés sans les aides matérielles à la reconversion pourrait éviter des naufrages individuels. L’octroi des montants serait soumis à une forme de tutorat pour aider le blessé psychique à les recevoir au moment où il est en état de les investir utilement. Toutefois, réaliser cette procédure sans attenter à la liberté individuelle constitue un vrai défi.