Or, depuis quelques années, nous observons une contestation forte de l’autorité de l’état et une violence grandissante contre ses représentants.

Renaud Ramillon-Deffarges

Président de la Fédération nationale des réservistes opérationnels et citoyens de la gendarmerie nationale & Consultant et formateur en éthique et déontologie – Agence Déméter

Les risques et les difficultés rencontrés par les réservistes dans l’exercice de leurs fonctions

La sécurité est plus que la première des libertés, elle est constitutive de l’État et de notre contrat social. Thibault de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, rappelle que « la sécurité est la première des exigences de la pyramide de Maslow ».

La loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale définit les missions de cette dernière, lui conférant un rôle éminent pour assurer cette « première des libertés ».

Dans beaucoup de territoires de « la France périphérique1 », la gendarmerie est le dernier lien entre l’État républicain et les citoyens, fondant une demande de sécurité et une exigence forte envers elle.

Quand il endosse son uniforme, le réserviste est un représentant de l’état. Quel que soit son statut en matière de police judicaire, le réserviste est, en mission, dépositaire de l’autorité publique, comme ses camarades d’active. Il encourt les mêmes risques. Un accident ou une intervention qui dégénère est possible à chaque instant. Peu de réservistes en ont conscience, le sacrifice ultime fait partie de leur engagement à servir dans la réserve. On est bien loin du « petit boulot d’été », comme on aimait à le dire à une époque.

Or, depuis quelques années, nous observons une contestation forte de l’autorité de l’état et une violence grandissante contre ses représentants. À titre d’illustration, le 4 novembre à Thiers, dans le Puy-de-Dôme, alors qu’il effectuait une mission de protection devant un lycée, un camarade réserviste a été renversé, après un refus d’obtempérer, par un mineur conducteur d’un véhicule volé. Notre camarade Yoann souffre d’un traumatisme crânien et d’une jambe cassée.

La prise en compte de ces risques et les attentes des réservistes sur le sujet

Confronté aux mêmes risques et menaces que le gendarme d’active, le réserviste a néanmoins un statut spécifique. Militaire avec les droits et les devoirs qui s’attachent à ce statut, quand il est placé sous ordre de convocation, il est civil2 quand il est n’est pas en mission. Le réserviste jongle avec plusieurs « vies » : vie personnelle, vie professionnelle et vie militaire. Néanmoins, quand un réserviste est blessé en mission, cela a des répercussions sur sa vie personnelle et son activité professionnelle.

Ainsi, le législateur a cherché, depuis 1999, à assurer une couverture juridique complète. La loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire est venue conforter la Protection sociale du réserviste en affirmant le principe d’engagement de la responsabilité sans faute de l’état et celui de réparation intégrale du préjudice. Les réservistes bénéficient d’un régime juridique de protection plus élevé que leurs camarades à cause de la spécificité de cette « triple vie ».

La difficulté vient de l’application des textes par les différents services compétents du ministère de l’Intérieur (gendarmerie nationale, secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur). En effet, le statut du réserviste opérationnel, au carrefour de la vie militaire et de la vie civile, est une source de complexité pour les services du ministère de l’Intérieur. Les personnels de ces services effectuent un travail remarquable, mais l’organisation de l’action administrative fait que la mémoire d’un service sur ce type de dossier disparaît au gré des mutations. Il ne faut pas oublier les procédures administratives et les règles budgétaires.

Face à ce constat, un travail de réflexion a été mené, depuis les années 2000, par les différents délégués aux réserves et chefs du bureau du personnel de la réserve militaire de la gendarmerie. Du fait de son expertise sur le sujet, l’ANORGEND a été associée à ces travaux qui ont conduit à la rédaction d’un texte fondamental en matière de Protection sociale du réserviste pour la gendarmerie : l’instruction n° 60000 GEND/DRG du 21 juin 2016. Elle instaure une chaîne de réservistes opérationnels conseillers « Protection sociale du réserviste » (PSR) auprès des états-majors des régions et formations spécialisés de gendarmerie. Un conseiller PSR est placé auprès du commandant et délégué aux réserves de la gendarmerie. Ces conseillers PSR ont un rôle d’accompagnement des personnels blessés dans la constitution de leurs dossiers d’indemnisation, mais également un rôle de sensibilisation et d’information en intervenant régulièrement lors des préparations militaires ou des instructions collectives pour présenter le système de Protection sociale du réserviste et inviter ce dernier à mener une réflexion sur sa protection, en fonction de sa situation personnelle et professionnelle. Depuis 2016, des améliorations sont apportées régulièrement, telles que la dématérialisation des déclarations d’accident.

Sur les attentes des réservistes, nous rencontrons le même comportement des Français sur les produits de prévoyance où différentes études et sondages montrent que si les Français ont conscience de l’importance de la prévoyance, encore beaucoup ne souscrivent pas de contrats. Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer le pire, surtout quand on est célibataire ou sans enfant. « Pourquoi acheter un parapluie quand il n’y a aucun nuage à l’horizon ? » Or, la Protection sociale concerne chaque réserviste, quel que soit son statut dans le civil. Il faut que le réserviste ait une réflexion personnelle. Les produits de prévoyance visent à apporter une aide complémentaire qui ne vient pas se substituer à celle de l’état, mais permettent notamment d’assurer au réserviste blessé un revenu financier en attendant le traitement de son dossier par les services de l’état.

Le rôle des associations de réservistes notamment de l’ANORGEND

L’article 1er de la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense fait des associations de réservistes, un relais essentiel du lien entre la Nation et ses forces armées et souligne que ces dernières ont droit à sa reconnaissance pour leur engagement à son service. Cette disposition législative est mise en œuvre par l’instruction ministérielle n° 94/DEF/CAB/CSRM/SP du 19 octobre 2001 qui fixe les relations des associations avec le ministère des Armées et celui de l’Intérieur. Elle vient préciser le soutien que nos organisations peuvent apporter aux armées, directions et services.

À partir de ce cadre législatif et réglementaire, il est revenu à chaque état-major et à chaque association de réservistes de définir leurs actions respectives et leur collaboration.

Concernant la gendarmerie et l’ANORGEND, les réformes engagées, dans les années 1990, pour corriger les faiblesses des réserves et les adapter au changement du contexte géostratégique, ont été à l’origine de la création de notre association.

Ainsi, après l’adoption de la loi du 4 janvier 1993 qui met en œuvre le plan « réserves 2000 », la réserve de la gendarmerie a connu une réforme d’ampleur.

Afin d’accompagner et soutenir le commandement dans la montée en puissance de cette nouvelle réserve, Bernard Prévost, Directeur général de la gendarmerie nationale, a encouragé la création d’une association de réservistes. En effet, la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) avait besoin d’un partenaire crédible capable de fédérer et représenter les réservistes de la gendarmerie.

Créée en octobre 1995, l’association nationale des officiers de réserve de la gendarmerie, accueille également, à partir de juillet 1997, des sous-officiers et militaires du rang.

Dès sa fondation, l’ANORGEND s’est investie dans deux dossiers d’importance : la Protection sociale du réserviste et la relation des réservistes avec leurs employeurs.

L’ANORGEND mène aussi une action de cohésion entre réservistes, de représentation d’intérêt auprès des décideurs publics, mais également des actions d’entraide comme les collectes pour les camarades blessés ou les familles des camarades décédés. En 2021, l’ANORGEND va déployer avec le groupe Mondial Protection le « Parcours Ulysse ». Ce parcours vise à aider à la reconversion des personnels d’active réformés de la gendarmerie ou les personnels de réserve blessés en mission.

Enfin, dans la vie quotidienne, l’ANORGEND fait remonter au commandement les difficultés rencontrées par les réservistes et fait des propositions pour permettre au commandement de trouver une solution.

Au service de l’intérêt général et donc des réservistes militaires, la démarche associative s’inscrit dans une approche d’intelligence collective avec le commandement, les autorités civiles et politiques ou encore nos partenaires comme Unéo dont le partenariat permet un échange régulier d’informations visant à un meilleur accompagnement des réservistes par cet acteur majeur de la Protection sociale de la communauté Sécurité-Défense.

1 Christophe Guilluy.

2 Nous retrouvons toutes les richesses de la société civile : retraité de la gendarmerie, étudiants, mère ou père au foyer, fonctionnaire, salarié, artisan, profession libérale… et les situations familiales qui évoluent avec le temps.