LE DIRECTEUR DE CET ÉTABLISSEMENT A OSÉ SORTIR DES « SENTIERS BATTUS » ET TENTER LE PARI DE LA CONFIANCE.

Bastien Ripert-Teilhard 

DIRECTEUR DU GROUPE HOSPITALIER SOPHIA ANTIPOLIS DANS LA VALLÉE DU VAR

Le guide de haute montagne a pour mission d’accompagner son client « là où ses yeux ont regardé », comme disait Gaston Rébuffat, par des terrains souvent escarpés pour atteindre le sommet. Dans cet environnement risqué, le client appréhende son ascension en remettant sa confiance au guide de haute montagne, qui détient la compétence issue de son expérience, l’expertise du terrain et l’adaptation aux circonstances qui obligent parfois de trouver des variantes pour mieux atteindre l’objectif.

La gestion d’un établissement public de santé par un directeur d’hôpital comporte de nombreuses similitudes car nous devons entraîner avec nous la communauté hospitalière vers les sommets et évoluer dans un environnement risqué, par nature toujours différent, en prenant le meilleur chemin qui n’est pas toujours la voie normale.

Un établissement en proie à un contrat de retour à l’équilibre financier exigeant du fait d’une situation budgétaire extrêmement difficile a été contraint de se séparer en trois ans de 10 % de son effectif, tout en perdant parallèlement 25 % de son activité en lien avec le départ de nombreux médecins découragés par le contexte. Même si la situation s’était malgré tout améliorée sur un plan budgétaire, l’établissement se retrouvait en perte de confiance, les patients ne croyaient plus en sa capacité à bien soigner et les projets manquaient. La poursuite d’une phase 2 d’un contrat de retour à l’équilibre financier était promis à l’établissement.

Devant cette situation, fidèle à son analyse du terrain comme à ses intuitions, le directeur de cet établissement a osé sortir des « sentiers battus » et tenter le pari de la confiance en proposant un choc d’offre médicale pour partir à la reconquête des parts de marché perdues, permettre à la population de retrouver confiance dans son hôpital et redonner espoir aux professionnels hospitaliers compétents et exemplaires. Cette initiative à contre- courant n’a pas manqué d’étonner lors des premières présentations, voire susciter des doutes, y compris des professionnels en interne. De plus, il fallait oser croire que l’État donnerait sa confiance dans une situation exceptionnellement complexe. Le Directeur Général de l’ARS a osé ce pari, en témoignant simplement de sa confiance, qui devient de fait la plus grosse responsabilité pour un Directeur d’hôpital. Cette confiance n’excluait pas par nature le contrôle, qui se devait d’être exigeant pour maintenir la confiance donnée.

Quelques années plus tard, cet établissement a pu consolider son offre médicale de plus de vingt médecins (environ 25 % de l’effectif), améliorer ainsi la réponse aux besoins de santé, y compris sur des spécialités confrontées à la désertification médicale, et susciter des effets non mesurables, mais essentiels, à l’image du retour de la confiance de la population dans son établissement, et en ricochet les professionnels hospitaliers ont retrouvé la foi dans l’avenir de l’établissement. Enfin, le déficit budgétaire a été réduit par trois, créant un cercle vertueux pour avoir « simplement » osé la confiance.

Comme disait Steve Jobs, fondateur d’Apple, « cela ne fait aucun sens d’embaucher des gens intelligents puis de leur dire ce qu’ils doivent faire. Nous enrôlons des gens intelligents afin qu’ils nous disent ce que nous de- vons faire ».