DOSSIER
Comment dans le cadre de l’ambition « Ma santé 2022 » portée par la ministre de la Santé et des Solidarités Agnès Buzyn, la réforme de la santé danoise n’interrogerait-elle pas tous les acteurs et décideurs de la sphère médicale…

L’on sait depuis Max Weber que la rigueur protestante explique pour une bonne part l’essor du capitalisme1. Ce que nous montrent les Danois aujourd’hui, loin du verbe latin, c’est que la rigueur luthérienne, permet également une réforme systémique, d’envergure et moderne tout à la fois, d’un système de santé !

En effet, les Danois en 2007 confrontés aux mêmes difficultés que les nôtres au regard de leur système de santé ont décidé de changer le logiciel, et tenez-vous bien… ça marche ! 

Certes, le Danemark n’est pas la France et inversement ! D’autant que comparaison n’est pas raison… Culture, nombre d’habitants et superficie, rien n’est comparable puisque le Danemark tant économiquement qu’en nombre d’habitants présente un profil proche de celui de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pour autant, il serait dommageable de ne pas analyser les raisons d’un succès… Si toute raison de croire est une raison de douter, alors Descartes est-il bien la France ? 

Loin des corporatismes qui sont les nôtres, loin des éternels contre-feux allumés ici ou là dès que le mot réforme est prononcé, le Danemark, fort d’un cartésianisme que l’on pourrait qualifier d’opérationnel, d’une alliance vertueuse du bon sens et du pragmatisme, nourri par une réflexion non partisane et porté par un courage politique exemplaire, a réussi un pari dont nous ferions bien de nous inspirer ! Il n’est question ici ni de mode de vie, de « hygge » et encore moins de conception du bonheur. Il s’agit tout simplement d’administrer, de gérer et d’optimiser les 10 % de PIB que lui comme la France consacrent à la santé… Financement des dépenses jugées indispensables pour les citoyens, objectifs de performance médicale liés au progrès médical, facteur d’économie, anticipation de la prise en charge du vieillissement de la population !  

Comment, dans le cadre de l’ambition « Ma santé 2022 » portée par la ministre de la Santé et des Solidarités Agnès Buzyn, la réforme de la santé danoise n’interrogerait-elle pas tous les acteurs et décideurs de la sphère médicale française… 

Au XIXe siècle, à l’instar de l’histoire sociale française, les salariés, artisans et agriculteurs danois se concertent afin de se prémunir des aléas de la vie et notamment du risque maladie2. Ils créent ainsi à l’époque un système fondé sur un principe de cotisation sociale, incarnant avant l’heure un modèle bismarckien3. En 1933, fruit d’un consensus entre la coalition formée par les sociaux-démocrates et les radicaux ainsi que le parti libéral alors dans l’opposition, les accords de Kanslergadesont signés imposant de facto un État providence4. Toutefois, l’évolution vers un système de santé national sera plus tardif, le gouvernement social démocrate abolissant le principe d’assurance sociale en 1973 au profit d’une couverture santé généralisée à l’ensemble de la population danoise. Le système reposera dès lors sur un principe d’universalité, d’égalité et de gratuité des soins, financé par l’impôt par conséquent substantiel et manifestement bien accepté puisque bien perçu par les citoyens danois. En effet, les contribuables danois ont une conception positive de l’impôt qui permet le financement d’un état providence très généreux, leur permettant d’accéder à des services publics de qualité. Par ailleurs, les taxes constituent une importante partie complémentaire du financement, la TVAétant particulièrement élevée au Danemark (25 %)5. L’impôt sur le revenu est quant à lui progressif et varie selon les communes et selon l’emploi occupé (41 à 60 % du salaire brut)6.

Le système de santé danois n’a pas constamment été des plus performants. Bien au contraire ! Celui-ci a dû faire face à des problématiques similaires à celles que connaît la France actuellement. La France et le Danemark ont notamment mené des politiques identiques à l’exemple de la politique malthusienne de formation des médecins avec pour incidence un déficit de médecins et de soignants, et en conséquence le développement de l’intérim et l’appel à une main-d’œuvre étrangère. Depuis peu, le gouvernement danois a augmenté les quotas d’étudiants et assoupli les règles concernant l’accueil des médecins étrangers. Dès 2003, un rapport gouvernemental met en exergue l’impérative nécessité de réformer le système de santé pour éradiquer les problèmes d’accès aux soins, le manque de lisibilité des responsabilités au cours du processus de traitement, la longueur des délais d’attente aux urgences, la vétusté des hôpitaux devenus inadaptés et la stagnation de l’espérance de vie. C’est ainsi que les Pouvoirs publics ont entrepris une réforme d’envergure, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, de l’organisation territoriale sanitaire du pays prenant en compte les réalités locales. La réforme a pour ambition d’assurer une gestion des soins hospitaliers plus performante et d’apporter une réponse à la dispersion des établissements, préjudiciable à la qualité des soins. Simplifier le service public tout en le rendant in fine plus efficace ! 

Prenant en compte combien le libéralisme économique danois se concilie étonnamment avec une faiblesse de l’offre de soins privée (1% du nombre de lits hospitaliers) et se caractérise de facto par un service public particulièrement présent dont la gouvernance est décentralisée, la réforme de la santé danoise repose sur six axes clés : une concentration des collectivités territoriales et une modification de la carte sanitaire, une nouvelle répartition des responsabilités, une transformation de l’organisation hospitalière, une organisation de l’offre de soins dont le médecin généraliste est le pivot, un déploiement massif du numérique, et enfin un investissement sur la prévention et une responsabilisation accrue des usagers. 

Étonnament, la réforme danoise du système de santé n’a été adoptée que par une mince majorité parlementaire et n’aurait sans doute jamais vu le jour si la culture danoise n’était pas imprégnée par des principes consensuels largement favorisés par son modèle constitutionnel…

Etonnament, la réforme danoise du système de santé n’a été adoptée que par une mince majorité parlementaire et n’aurait sans doute jamais vu le jour si la culture danoise n’était pas imprégnée par des principes consensuels largement favorisés par son modèle constitutionnel. En effet, le parti vainqueur des élections législatives ne peut, à l’instar de la pratique de nombre de pays européens tels que la France, l’Italie ou encore l’Espagne, gouverner seul. Ainsi, former une coalition avec d’autres partis pour former un gouvernement et imposer une majorité à l’Assemblée représentativeest un impératif.

Concentration des collectivités territoriales et modification de la carte sanitaire 

Si la France a toujours eu beaucoup de difficultés à transférer les compétences de l’État, en d’autres termes, à décentraliser sans arrière pensée, notamment en termes de santé, la réforme danoise, elle, se caractérise à l’inverse, essentiellement par une volonté affirmée de responsabiliser, donc d’utiliser pleinement l’ensemble des acteurs dotés d’une mission de service public afin d’optimiser le maillage territorial pour répondre aux besoins pluriels des populations souvent caractérisés par des spécificités géographiques et plus encore sociétales. 

Ainsi, fort logiquement, la clé de voûte de la réforme de 2007 repose à la fois sur la volonté d’une forte décentralisation des modes de gouvernance et d’une concentration drastique de ses collectivités : suppression des 14 départements existants, réduction du nombre de Régions à 5 et des Municipalités de 271 à 987 ! Ainsi, certaines compétences administratives dont l’état était jusqu’à présent garant, ont par conséquent été transférées aux Régions et aux Municipalités. Cette volonté avait d’ailleurs déjà été amorcée dans les années 1980-1990 à l’occasion du transfert de la gestion de certains services publics aux comtés (Régions) et aux Municipalités. 

à n’en pas douter cette démarche, empreinte de pragmatisme, doit être une source d’inspiration pour notre modèle français. Est-ce pour autant possible ? Malheureusement « en France, un tel choix semble presque hors de portée, tant le centralisme est puissant en matière de santé et la méfiance à l’égard des territoires importante. Pour des affaires aussi sérieuses que la santé des Français, seul l’État semble en effet, aux yeux de nos dirigeants, légitime et capable de présider aux destinées du système, de maîtriser les dépenses et d’assurer l’égalité entre les citoyens. C’est ainsi que notre système, au gré des réformes, qu’il s’agisse de la loi santé de 2009 ou de la loi territoriale de 2015, a progressivement tourné le dos aux responsabilités locales pour privilégier une gouvernance nationale. Cette situation est pour le moins paradoxale puisque, dans le même temps, la dimension territoriale n’a jamais été aussi présente dans les discours des responsables politiques. Le Président Macron lui-même, dans le cap qu’il a fixé pour la santé, n’a cessé d’insister sur l’importance de construire des parcours de soins coordonnés au plus près du terrain et d’enraciner la santé dans des approches locales8 »… Vieux pays pétri de  contradictions !

Nouvelle répartition des responsabilités

Cette décentralisation a généré un système dans lequel les responsabilités des modes de gestion et de gouvernance sont assumées de manière tricéphale (Municipalités, Régions, État). En effet, chaque organe administratif a un périmètre défini en fonction de sa proximité et de sa faculté à générer une expertise efficiente pour son territoire, sous le contrôle de l’État, qui, conscient qu’il ne peut pas tout faire, ne fait pas tout… mais assure prioritairement l’équité devant l’accès au système de santé de chaque citoyen danois. Il ne dispose donc pas  in fine de pouvoirs organisationnels, son action restant cantonnée à la définition des orientations stratégiques majeures, à la planification financière, à la législation budgétaire de la santé,  à la gestion du personnel, des hôpitaux, des médicaments, des pharmacies, des aliments, des vaccinations, des droits des patients, etc.

Les Régions, quant à elles, gouvernées par des Conseils régionaux, sont responsables des soins hospitaliers et de la médecine générale libérale. Les services de santé sont organisés en fonction des besoins réels de la population et peuvent en conséquence, être ajustés, voire modulés. Elles administrent donc les hôpitaux et en sont propriétaires. Leur gestion relève de la compétence de représentants élus. Les Régions, bien que n’ayant pas compétence pour prélever l’impôt restent responsables face à leurs électeurs et les dépenses de santé sont principalement financées par une subvention forfaitaire allouée par le gouvernement correspondant approximativement à 75 % du budget de la Région9. 5 % complètent ce budget dans le cadre d’une tarification à l’activité et 20 % sont versés par les municipalités qui elles aussi collectent une partie de l’impôt. La dotation de l’État est attribuée selon différents critères, propres aux besoins de chaque Région notamment en termes de démographie, de sorte que chacune d’entre elles bénéficient du même niveau de services de santé. Les Régions perçoivent également une subvention fondée sur l’activité en provenance des Municipalités, en fonction du nombre d’hospitalisations et de traitements ambulatoires dans les hôpitaux et de la quantité de services fournis par les médecins généralistes. De ce fait, les Municipalités sont incitées à mettre en oeuvre une démarche de réduction du nombre d’hospitalisations par des mesures préventives tant pour optimiser l’utilisation des services que pour contenir les dépenses générées par l’utilisation de ceux-ci. Toutefois, les Régions déterminent le taux de subvention des activités  : si 2/3 des municipalités de la Région s’opposent à une proposition d’augmentation de la subvention, elles peuvent opposer leur droit de veto. Cette démarche permet aux Régions et aux municipalités de travailler de concert à la performance et à l’efficience du système de soins. 

Les Municipalités sont des organes administratifs locaux régis par des conseils municipaux. Couvrant en moyenne un bassin de 50 000 habitants, la gestion d’un certain nombre de services de soins de santé primaires et de services de soins aux personnes âgées leur incombe tant en termes  d’organisation que de financement. Les Municipalités doivent également assurer des missions de santé publique, de prévention et de réadaptation et sont propriétaires des EHPAD. Au niveau local, les Municipalités collectent les taxes et bénéficient d’une dotation de l’État, réparties entre elles proportionnellement sur leur base d’imposition. C’est à ce niveau que l’état est garant et donc veille à ce que les Municipalités disposent de conditions uniformes pour la prise en charge de leurs responsabilités municipales, les incitent à prendre d’efficaces mesures de prévention et de promotion de la santé.

Le médecin généraliste, pivot du système de santé 

Là encore, alors que la crise des urgences, à ce jour non achevée, est un sujet en France inflammable, générateur de conflits sociaux, le système danois pourrait nous inspirer au niveau de la compétitivité de sa médecine libérale, notamment en ce qui concerne les médecins généralistes. En effet, un des principes clés de l’organisation du système de santé confère au médecin généraliste danois un rôle d’acteur incontournable de la régulation des soins10, et conséquemment la liberté d’installation est encadrée afin de prémunir la population contre les risques de désertification médicale.Pour s’installer dans un territoire, il est nécessaire d’obtenir l’aval de la Région, celle-ci ne pouvant  se faire que dans le cadre d’une reprise d’un cabinet médical en raison de l’arrêt d’une activité ou d’un rachat de l’activité. 

Le Danemark compte environ 3 500 médecins, tous rémunérés à l’acte et par un forfait selon le nombre de patients inscrits sur leur liste – la moyenne étant de 1 600 par médecin généraliste. Ce mode de rémunération permet notamment d’assurer un contrôle budgétaire. 

Le médecin généraliste est la principale référence pour le patient. Il est un véritable point de contact et joue un rôle primordial dans la régulation des soins entre le niveau primaire et les soins spécialisés. Si besoin est, c’est lui et lui seul qui orientera son patient vers une spécialité médicale. Il bénéficie afin d’être plus efficace dans la mission qui lui est confiée d’une assistance diagnostique et spécialisée des hôpitaux sous forme d’analyses de laboratoire, de scanners et radiographies et ont l’obligation de réguler les demandes non programmées (à titre d’exemple, une heure par jour doit être consacrée aux appels téléphoniques des patients). 

D’autre part, si comme dans tous les pays modernes, les généralistes doivent assurer une permanence des soins, l’ensemble de la population danoise dispose d’un médecin de référence de garde devant répondre aux besoins médicaux non programmés mais non vitaux. Cette structure permet une articulation coordonnée avec les soins urgents préservant ainsi la proximité et in fine le développement de « l’ambulatoire » s’en trouve consolidé. Le médecin généraliste, considéré comme un spécialiste en médecine générale, prend donc en charge approximativement 90 % des contacts patients, permettant ainsi une réponse adaptée au développement des maladies chroniques. Force est de constater que les pouvoirs publics ont maximisé les procédures hors hôpital tout comme les initiatives de détection précoce. 

Là encore, alors que la crise des urgences, à ce jour non achevée, est un sujet en France inflammable, générateur de conflits sociaux, le système danois pourrait nous inspirer au niveau de la compétitivité de sa médecine libérale, notamment en ce qui concerne les médecins généralistes…

Enfin, les urgences sont naturellement dédiées aux cas les plus sérieux. Avant de s’y rendre, le patient  doit consulter son médecin généraliste ou composer un numéro d’urgence. Si l’urgence est avérée, il est orienté vers un service d’urgence spécialisé.

Une nouvelle organisation hospitalière 

Si la culture danoise repose entre autres sur le dialogue et le compromis, l’humilité n’y est pas absente puisque Anne Smetana, Directrice du Healthcare Danemark s’exprimait en ces mots « Le Danemark est un petit pays avec une culture du compromis et les citoyens ont accepté cette réforme, dont l’objectif était de mieux délivrer les soins en proximité. Et l’accent a été mis sur le management et la collaboration entre médecins, hôpitaux et Municipalités. Les décisions sont prises en commun 11 ». Cette réforme ambitieuse consacre ce trait d’union entre une médecine de proximité libérale et l’hôpital concentré sur le traitement de pathologies plus spécifiques et de facto trop souvent plus invasives.

Ainsi, le gouvernement a initié depuis 2012, une politique keynésienne d’investissement permettant la modernisation et la construction de 16 hôpitaux d’ici à 2025 avec retour sur investissement contractualisé. L’État danois a demandé que la construction de ces hôpitaux aboutisse à des économies de coûts de 8 %. D’ores et déjà, depuis 2003, la rentabilité des hôpitaux danois s’est considérablement améliorée, à hauteur de 30 %, – à noter que les établissements publics emploient du personnel contractuel, il n’y a donc pas statut de fonction publique hospitalière. L’absence de statut rendrait-il les gens plus vertueux, à défaut d’être plus prudents ?…

LE GOUVERNEMENT A INITIÉ DEPUIS 2012, UNE POLITIQUE KEYNÉSIENNE D’INVESTISSEMENT PERMETTANT LA MODERNISATION ET LA CONSTRUCTION DE 16 HÔPITAUX D’ICI À 2025 AVEC RETOUR SUR INVESTISSEMENT CONTRACTUALISÉ…

Cette économie d’échelle a été générée par le programme de « super-hôpitaux 12 » portant d’une part sur la construction ou la reconstruction de ces 16 hôpitaux, d’autre part en intégrant l’essor de l’ambulatoire et son intégration à la ville. Les Pouvoirs publics, dans le cadre de l’objectif clairement défini d’une amélioration globale du système de santé, se doivent d’assurer un égal accès de tous les citoyens à des services de santé modernes. Ainsi, ce programme dispose d’un budget de 6,6 milliards d’euros afin que les Régions puissent construire de nouveaux hôpitaux ; 

1 milliard d’euros devant être affecté exclusivement au développement de la technologie et aux équipements.

Par ailleurs, l’accréditation et l’évaluation hospitalière ont conduit à la détermination de seuils d’activité impliquant la fermeture des petites unités et la mise en place d’une politique de réseau d’autant plus incitative que le malade peut se faire soigner dans une autre Région, s’il n’a pas une prise en charge locale… aux frais de sa Région d’origine ! En 2007, le pays a ainsi mené à bien un programme de fermeture d’hôpitaux, mis en place de nouvelles unités numérisées et de ce fait plus performantes. En 1981, le Danemark disposait de 128 hôpitaux pour 61 en 2018, pour ne laisser place qu’à 53 d’entre eux en 2025. En amont, une importante concentration des spécialités médicales dans le domaine des urgences a été effectuée puisque le nombre d’hôpitaux accueillant ces services passera de 40 à 2113. Enfin, afin d’inciter les Régions à une réorganisation globale du parc hospitalier, le gouvernement ne libère les financements qu’à la condition contractuelle de fermeture des hôpitaux vétustes.

Depuis 2007, une fois le diagnostic établi, la garantie d’accès aux soins prévoit qu’un patient ne doit pas attendre plus de 30 jours avant de subir une intervention14. Passé ce délai, il peut choisir un établissement privé aux frais de la Région. De nombreux outils d’information sont mis à la disposition des patients pour les guider dans leurs choix, particulièrement sur l’état des hôpitaux et leurs rendements, largement favorisé par la politique de transparence danoise par laquelle la liberté de choisir son prestataire de soins prend tout son sens et constitue concrètement l’un des jalons forts du système de santé.

L’agence nationale de santé danoise avait délivré trois recommandations : création de nouvelles infrastructures hospitalières, réduction de moitié des hôpitaux intégrant des services d’urgences, mise en oeuvre d’un secteur hospitalier fonctionnant en continu, et a jugé parallèlement nécessaire de renforcer le système de soins primaires et de soins ambulatoires…

Le déploiement du numérique 

En 2007, le paysage hospitalier n’était donc plus satisfaisant, ni pour le patient ni pour l’acteur. Le gouvernement s’est donc interrogé sur la nécessité d’investir dans de nouveaux hôpitaux. L’agence nationale de santé danoise avait délivré trois recommandations : création de nouvelles infrastructures hospitalières, réduction de moitié des hôpitaux intégrant des services d’urgence, mise en oeuvre d’un secteur hospitalier fonctionnant en continu, et a jugé parallèlement nécessaire de renforcer le système de soins primaires et de soins ambulatoires. L’objectif principal étant de limiter l’accès aux urgences, en incitant les patients à se rendre en priorité chez leur médecin généraliste, qui assure les petites urgences. 

Dans le même temps, le gouvernement, pour répondre efficacement au vieillissement de la population, à l’accroissement des maladies chroniques et des dépenses de santé a initié un virage numérique permettant ainsi le développement de l’innovation tout en investissant massivement dans le secteur de la santé connecté et de la télémédecine12 Rien d’étonnant à ce que le Danemark figure actuellement parmi les géants mondiaux en matière de digitalisation. Le pays a construit un véritable écosystème numérique et notamment pour le partage des données de santé. C’est l’un des pionniers en matière de numérisation, identifiée comme une priorité nationale depuis 15 ans !  Et de surcroît un leader dans le secteur des registres de soins de santé unique et d’infrastructures. La question du partage des données de santé entre acteurs n’est donc plus un sujet ! C’est désormais une pratique habituelle ! Bien qu’un cadre éthique puisse toujours être amélioré, les Danois ne sont en aucun cas dubitatifs, voire même suspicieux envers l’État quant à l’utilisation de leurs données… Quelle idée singulière d’accorder une confiance aveugle à l’État dirait un Français… oui mais voilà ce n’est pas la même culture… Danois n’est pas Français !!! Elémentaire mon cher Watson…

Et les effets positifs n’ont pas tardé à se faire ressentir… le déploiement du numérique au Danemark a engendré une baisse du nombre d’hospitalisations tout comme une réduction de la durée du séjour moyen aux urgences à 4 heures15… Depuis 2004, tous les Danois disposent d’un dossier médical partagé, le bon fonctionnement de ce dispositif et l’essor du numérique au sein des établissements de santé ont facilité les relations entre la ville et l’hôpital. Ce dossier permet d’identifier les patients lors du transport en ambulance et ainsi de les orienter efficacement dès leur arrivée à l’hôpital. Une meilleure identification du patient soigné et du lieu de soins par le biais d’un écran permettent de suivre les flux. 

Les patients peuvent y inscrire des informations « privées », ce sont donc eux qui décident de l’accès à leur dossier, mais bien évidemment en cas d’urgence le médecin peut y accéder… Pour mémoire, la France ne compte aujourd’hui que 6 millions de DMP d’ouverts – et pas naturellement alimentés – tout reste donc à faire… 

La prévention et la responsabilisation 

Afin de répondre efficacement au développement des maladies chroniques et du vieillissement de la population, les Danois ont repensé la conception de leur système de santé. Un investissement important a été réalisé en matière de prévention, principalement intégrée dans des centres de santé distincts des hôpitaux, l’objectif étant d’orienter le moins souvent possible les patients vers l’hôpital, considéré comme gage de confort pour le patient et également gage d’économie pour le système. Le gouvernement a donc centré sa politique sur la prévention et sur la participation active du patient, acteur de sa santé, le patient est informé et responsabilisé : éducation thérapeutique, informations, utilisation du numérique (notamment pour la gestion des maladies chroniques dont souffre 1/3 de la population danoise).

D’autre part, un comité de santé se réunit dans les Régions tous les 4 ans, réunissant médecins généralistes,  hospitaliers et représentants des Municipalités pour élaborer des accords de santé visant à cibler les besoins de la population et d’y répondre efficacement.

En France actuellement, on ne peut que déplorer l’absence d’une transformation structurelle qui devrait accompagner le développement de ce progrès afin de lui conférer une optimisation efficiente…

Enfin, les Danois souhaitent retarder au maximum l’entrée des personnes âgées dans les maisons de retraite, coûteuses pour la collectivité… Pour maîtriser les dépenses de santé et répondre efficacement aux défis du vieillissement, le pays a conçu une politique visant à accentuer leur indépendance et leur autonomie. Les Municipalités dans le cadre de leurs attributions en matière de prévention doivent ainsi assurer le maintien de l’autonomie par la mise en oeuvre de mesures de rééducation et de réadaptation à destination des personnes âgées qui doivent avoir accès à des services de soins à domicile proposés après évaluation de leurs besoins individuels. Ainsi, des visites à domicile doivent leur être proposées et notamment pour les personnes vulnérables, de 65 à 79 ans en cas de besoin et à toute personne âgée de plus de 80 ans chaque année.

Quels enseignements pour la France ! 

Il y a 12 ans, le système de santé danois était refondu, et il semble fonctionner : baisse de la fréquentation des urgences hospitalières, augmentation de l’espérance de vie… le tout pour un budget de santé par habitant sensiblement équivalent à celui des Français. 

En France actuellement, on ne peut que déplorer l’absence d’une transformation structurelle qui devrait accompagner le développement de ce progrès afin de lui conférer une optimisation efficiente. Or, ce n’est qu’à cette condition que l’on parviendra à l’objectif ultime, c’est-à-dire la pérennisation de cette réduction des dépenses devenue indispensable. La limitation du nombre de lits dans les services, désormais in fine inutiles par le développement de la médecine ambulatoire doit être une des priorités, voire la clé de voûte de cette transformation.

Même si la Fédération Hospitalière de France tempère son ardeur, la Cour des comptes chiffre l’économie potentiellement réalisable à 6 milliards d’euros… excusez du peu !… Derrière la querelle d’experts, une réalité s’impose : le parc hospitalier est en surcapacité ! Là encore aucune provocation ! C’est l’absence de courage politique, celui qui doit froidement tirer les conséquences de cette nouvelle architecture de l’offre hospitalière, provoquée par le progrès médical qui est une des origines du déficit hospitalier.

La reconversion des lits de médecine et de chirurgie doit s’opérer vers le social et le médico-social, afin de faire évoluer les structures et donc optimiser les coûts, mais aussi de répondre au vieillissement de la population comme au développement des pathologies chroniques, engendrant de facto une redéfinition des périmètres des métiers. Le vote récent de la loi “Ma santé 2022” va certes dans le bon sens. Le pouvoir réglementaire saura-t-il pour autant éviter le piège des plus conservateurs pour ouvrir le chantier des nouveaux métiers ? Car derrière ce débat se cachent des revenus ou des situations de rentes et donc de potentiels agacements, vexations voire crises…

Naturellement, personne ne peut nier que le progrès « coûte »  à court terme… Néanmoins, le progrès s’impose à des techniques anciennes et désuètes. Il est aussi nécessaire qu’irréfutable ! Les études démontrent clairement que cette substituabilité doit conduire logiquement à ne plus rembourser certains médicaments ou examens complémentaires devenus de facto inutiles et plus encore inopérants. La décision de ne plus rembourser l’homéopathie illustre si besoin est le bien fondé du raisonnement… Ne nous arrêtons, pas de grâce, au milieu du gué !

Face à la nécessité de ce changement, ne sous-estimons pas les difficultés que rencontre notre système pour se réformer… En effet, combien de structures sont condamnées par le progrès technique et médical et maintenues uniquement pour des enjeux électoralistes ? Plus grave encore, combien de services ne sont plus aux normes, rendus obsolètes par le progrès médical, remettant en cause tant les pratiques, que les situations acquises, et qui faute de décision, engendrent par un statu quo inqualifiable une insécurité chronique pour le patient. Pire, ils rendent impossible le financement de structures innovantes ! Enfin, combien de crédits sont alloués tous les ans, quasi-automatiquement pour combler des déficits générés par ce manque d’ambition alors qu’ils auraient été légitimes et utiles aussi bien à la restructuration de l’offre de soins qu’aux nombreux projets restés par manque de moyens financiers au stade de prototype… ? Combien de temps encore devrons-nous accepter cette hérésie qui plonge notre système dans une hémiplégie à la fois galopante et stérile ?

Ne nions pas cependant les efforts ! Les GHT sont une avancée tout à fait louable…

Ne nions pas cependant les efforts ! Les GHT sont une avancée tout à fait louable ! Quand bien même ils n’engagent hélas les hôpitaux qu’à travers des enjeux de coopération. Osons leur donner une personnalité morale induisant le regroupement des CHU en inter-régions notamment pour les activités de recours comme les greffes. Si plus de la moitié des hôpitaux publics sont à l’équilibre, combien sont encore structurellement déficitaires… par le maintien d’activités insuffisantes, mais ne nous voilons pas la face, par aussi des avantages sociaux comme un temps de travail extra réglementaire.

Réduire les dépenses de santé est une nécessité. Chacun en convient ! Les pistes sont nombreuses à cette fin. L’administration doit montrer l’exemple si elle souhaite être légitime lorsqu’elle s’adresse à ses acteurs. Les dépenses administratives représentent 7 % des dépenses de santé en France contre 5,4 % en Allemagne. L’écart représenterait plus de 2,6 milliards d’euros… réduire drastiquement ces dépenses administratives est un impératif ! Regroupons les différentes agences existantes (HAS, ABM, Observatoires, etc.), tel que cela se fait dans toute l’Europe. Bien que nos enjeux soient pluriels, la réforme de la santé du Danemark devra nous inspirer afin de lever les freins idéologiques qui ont tant usé et fragilisé l’hôpital !

Le progrès médical peut se concilier avec la maîtrise des dépenses. Le progrès en santé n’implique pas systématiquement une augmentation des dépenses… À condition de tirer les conséquences du progrès technique et de l’évaluer… d’oser !

À ce titre une modélisation du système danois à une région française comme la région Auvergne-Rhône-Alpes, permettrait de développer de nombreuses réflexions, si Anne Smetana dit que « La France est le pays qui nous rend le plus visite au monde », c’est bien que l’intérêt des acteurs peut trouver consensus dans les grands défis qui existent aujourd’hui et ceux qui viendront demain…

SOURCES

1. Max Weber, L’Éthique protestante et l’Esprit du capitalisme.
2. « Les systèmes de santé dans les pays nordiques de l’Union européenne : Le Danemark – Haut conseil de la santé publique », rubriques international
3. « Les systèmes de santé nationaux du nord de l’Europe », DREES
4. Dictionnaires et Encyclopédies, Academic
5. « Les taux de TVA par pays en Europe » – Expert comptable
6. Impôts sur le revenu – Ambassade de France au Danemark
7. « La réforme des collectivités locales au Danemark », Conseil de l’Europe
8. Cédric Arcos « Sans décentralisation, la réforme du système de santé échouera » 8/10/18 Le Figaro
9. « Healthcare in Denmark an overview » – Ministry of health
10. « Comment le Danemark a renforcé son système de santé autour du médecin généraliste » – www.cadredesante.com
11. Anne Smetana, directrice de Healthcare Danemark. www.gazette-sante-social.fr
12. « Le système danois, un exemple pour le France ? » – SFMU
13. Idem
14. « Pour un système de santé universel et efficace » – institut économique de Montréal
15. « Un modèle nordique séduisant» – Réseau CHU