Tribune

« Est-il acceptable que 7 actifs sur 10 ne soient pas ou mal couverts face aux risques d’incapacité de travailler, d’invalidité ou de décès ? »

Catherine Touvrey
Directrice Assurance et Protection Sociale du Groupe VYV et Directrice Générale d’Harmonie Mutuelle

La vie est par essence imprévisible. Maladie, accident… nous courons tous des risques sans savoir si et quand ils vont arriver. Nous avons beaucoup de mal à nous préparer à ces événements, parfois tragiques. Spontanément, nous ne voulons même pas y penser. Pourtant, les enjeux sont importants, aussi bien pour notre santé que sur le plan matériel  : comment combattre une maladie quand on ne peut plus faire face aux dépenses du quotidien ? 

La prévoyance, c’est l’épargne de ceux qui n’en ont pas 

Alors que 32 % des Français risqueraient de tomber sous le seuil de pauvreté s’ils devaient renoncer à 3 mois de leur revenu, est-il acceptable que 7 actifs sur 10 ne soient pas ou mal couverts face aux risques d’incapacité de travailler, d’invalidité ou de décès ? Est-il juste que seuls les cadres du privé bénéficient d’une protection obligatoire de leur employeur, alors qu’ils sont près de 5 fois moins exposés au risque de décès que les ouvriers ? 

Un enjeu de société et de solidarité pour le Groupe VYV 

Au sein du Groupe VYV, nous pensons qu’il est temps d’apporter à chaque actif, quel que soit son statut1 : 

– un socle de couverture essentielle, identique pour tous, sur les risques décès et invalidité ; 

– un complément de garanties à adapter selon les situations et les besoins ; 

– des dispositifs de prévention. 

C’est un enjeu de société et de solidarité auquel il faut associer les branches professionnelles, les organisations syndicales et patronales, les assurés et l’ensemble des employeurs. Dans un contexte de quête de sens et d’impact, renforcer la protection sociale représente un investissement particulièrement vertueux pour les employeurs. Il s’agit également d’une autre forme de partage de la valeur, susceptible de renforcer l’attractivité de l’emploi ainsi que l’engagement et la fidélité des collaborateurs. 

Un pour tous, tous pour un ! 

La mise en place du socle de couverture essentielle, tel que nous l’imaginons, permettrait d’offrir à chacun un premier niveau de protection solide sur les risques les plus lourds, pour un coût modéré, grâce à une mutualisation du risque fondée sur le principe de solidarité collective : les cotisations permettant de soutenir tout collègue confronté à une situation grave. Il apporterait également une juste équité de traitement entre les actifs et une stabilité de la protection, tout au long de la vie active, dans un contexte où les carrières sont multiples et fractionnées. Un dialogue social essentiel. Les besoins et les coûts de protection varient beaucoup en fonction des populations. Ils dépendent notamment de la pénibilité de l’emploi et de la démographie des collaborateurs. Par exemple, un professeur n’a pas les mêmes besoins qu’une aide-soignante. C’est pourquoi il est essentiel de s’inscrire dans le cadre habituel de négociations (branches, ministères…) pour définir les garanties complémentaires et, plus largement, les modalités du dispositif de protection dans son ensemble : garanties, budget et niveau de participation de l’employeur, en tenant compte de la capacité financière de l’employeur et des assurés. Enfin, face à la diversité des situations, liées par exemple à l’âge ou à la configuration familiale, il convient aussi d’offrir aux assurés la possibilité de compléter leur couverture, à titre personnel, un dispositif collectif ne pouvant apporter une réponse parfaitement adaptée à tous. 

La prévention : un défi collectif à relever

La prévention permet de vivre mieux, plus longtemps, et en bonne santé. C’est un élément essentiel en matière de santé et de prévoyance. Elle permet de réduire les risques, donc le coût des couvertures. Et pour les employeurs, veiller à la santé de ses collaborateurs, c’est à la fois un devoir et un levier de performance. La France a beau être le 3e pays de l’OCDE en termes de dépenses de soins2, elle n’est pas dans le top 10 en termes d’espérance de vie en bonne santé3 ! Il est urgent de prendre enfin ce grand virage de la prévention, en s’appuyant sur une collaboration renforcée et équilibrée entre les pouvoirs publics, les employeurs et les mutuelles. « 80 % des Français seraient favorables à ce que tous les actifs, quel que soit leur statut, bénéficient d’une couverture prévoyance financée au moins en partie par leur employeur4. »

Sources :

1. Salarié du privé, agent de la fonction publique, travailleur indépendant, chômeur

2. Les dépenses de santé en 2021 – édition 2022 – Résultats des comptes de la santé, DREES

3. L’espérance de vie sans incapacité et l’espérance de vie en tant que bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie : deux indicateurs pour mieux appréhender la qualité de vie après 60 ans, DREES

4. Enquête menée par le Groupe VYV et l’Institut Viavoice auprès de 1  000 Français, janvier 2023.

Eric Jeanneau
Membre du bureau et Président de la commission Risques Vie et Épargne du Groupe VYV

1 Français sur 2 se dit mal informé en matière de prévoyance4. Comment expliquez-vous cette situation ? 

Tout part d’un double déni. Un déni individuel psychologique tout d’abord. Personne n’a envie de se projeter dans des situations pénibles et peu fréquentes. Un déni collectif ensuite, imputable aux acteurs publics, trop souvent focalisés sur des enjeux de court terme. Le temps de la prévoyance n’est pas celui du politique. Se crée alors un cercle vicieux : le besoin n’est pas exprimé, donc pas discuté, les actifs ne sont pas sensibilisés…

Que doivent retenir les actifs sur les enjeux de la prévoyance ? 

Il est important de comprendre que ces difficultés peuvent survenir, même si les probabilités sont faibles. Qu’une couverture prévoyance ne se limite pas à nous-mêmes, mais protège aussi notre famille et nos proches. Enfin, que cette protection évite un coup de massue financier lorsque l’on est déjà en difficulté. Bien protégé, la survenue du risque devient un aléa après lequel il est possible de rebondir. 

Quels sont les acteurs les mieux placés pour apporter une résonance à ces questions ? 

Aujourd’hui, des associations comme la FNATH et certains acteurs de la prévoyance tels que le Groupe VYV et ses mutuelles cherchent à sensibiliser sur ces sujets. Mais ce n’est pas suffisant. Les services publics et les employeurs ont également un rôle important à jouer en matière d’information et de pédagogie. 

Quelles solutions identifiez-vous pour permettre aux actifs de devenir acteurs de leur protection ?

Il paraît urgent de sensibiliser massivement les Français, notamment en enrichissant les sites publics d’information sur la protection sociale de contenus pédagogiques. Par ailleurs, pour permettre à chaque actif de prendre en main sa protection, nous préconisons la création d’un relevé d’information annuel de prévoyance intégrant, entre autres, des informations personnalisées et détaillées sur sa couverture, et des rappels incontournables tels que les coordonnées des organismes à contacter en cas de sinistre.

Le Groupe VYV, premier acteur mutualiste de santé et de protection sociale en France, a récemment publié le livre blanc « Améliorer la prévoyance des actifs, un impératif social » en partenariat avec la FNATH, l’Association des accidentés de la vie pour éclairer sur les insuffisances, les enjeux, et mettre en débat 25 propositions concrètes pour améliorer la prévoyance des actifs en France.