Tribune

« Aujourd’hui, 57 % des français considèrent que l’engagement dans les armées n’est pas suffisamment reconnu. »

Dominique Burlett
Président de la France Mutualiste, Colonel (2S)

Il existe un dispositif de protection sociale et de reconnaissance de la Nation : la Retraite Mutualiste du Combattant (RMC). Pour ses 100 ans, elle a fait l’objet d’un passionnant colloque à l’École militaire, co-organisé par La France Mutualiste qui en est un distributeur historique : « Engagement patriotique : quel avenir ? quelle reconnaissance ? ».

Un dispositif de reconnaissance demandé par les combattants

Petit rappel de la genèse. Au terme de la terrible Guerre de 14-18, les combattants réclament plus de reconnaissance à leur égard. La classe politique, sous l’impulsion notamment du président Raymond Poincaré, du ministre André Maginot et d’autres, s’attache à rechercher les solutions pour cette génération de jeunes citoyens arrachés à leurs occupations et à leur famille pendant plusieurs années pour défendre leur pays. La situation des anciens combattants de la Grande Guerre devient une cause nationale.

C’est alors que germe l’idée de mettre au point des subventions, au profit des anciens combattants, dans la constitution d’une rente complémentaire auprès des sociétés de secours mutuels. Le projet de loi est rédigé. Le rapporteur est désigné en la personne de Paul Doumer, qui fut un véritable défenseur du texte.

Adoptée par le Parlement selon la procédure d’urgence, la Retraite Mutualiste du Combattant naît le 4 août 1923. La France Mutualiste, qui existait alors depuis plus de 30 ans, et avait déjà créé une caisse de prévoyance pour les combattants et leur famille en 1915, devient naturellement l’une des premières à distribuer la RMC.

Petit à petit, la RMC sera ouverte par les gouvernements successifs aux combattants de la Seconde Guerre mondiale puis à l’ensemble des conflits sur les théâtres d’opérations extérieures (Indochine, Corée, Afrique du Nord…) jusqu’aux Opex d’aujourd’hui.

100 ans après, 3 enseignements pour la protection sociale

En effet, la longévité de la RMC – toujours ouverte en 2024 – mérite d’être saluée à plus d’un titre :

– Elle est l’expression du caractère imprescriptible de la reconnaissance de la Nation envers ceux qui se sont directement investis dans la Défense.
– Elle rappelle le rôle historique du mouvement mutualiste dans la visibilité donnée à la question de la protection sociale au début du XXe siècle ainsi que dans la généralisation d’un modèle propre de prévoyance reposant sur des cotisations individuelles.
– Elle valide enfin la pertinence du financement de la retraite reposant sur un dispositif individuel d’épargne par capitalisation, véritable complément aux régimes obligatoires par répartition.

Pour moi, c’est aussi un produit typique de la « condition militaire » :
– La RMC est « sécuritaire » : elle permet de bénéficier d’un complément de revenu garanti et d’assurer éventuellement la transmission d’un capital à ses proches.
– La RMC est « solidaire » : elle repose à la fois sur le principe de la mutualisation des risques entre les assurés, et sur la solidarité de la nation qui apporte son soutien financier.
– Enfin, la RMC est « universelle » : des militaires du rang aux officiers généraux, elle profite à toutes les couches sociales.

La retraite mutualiste du combattant en 3 points clés

Aujourd’hui, 57 % des Français considèrent que l’engagement dans les armées n’est pas suffisamment reconnu.

C’est une préoccupation d’aujourd’hui que fait ressortir ce sondage mené par l’IFOP à l’occasion des 100 ans de la RMC en septembre  2023. Si l’armée reste la 2e institution régalienne en qui les Français placent leur confiance (à 89 %) juste après les pompiers (97 %), s’ils sont 81 % à afficher une forme de respect et de reconnaissance pour les combattants, nos compatriotes ont conscience que leur engagement n’est pas récompensé à sa juste valeur. Est-ce la raison pour laquelle seulement un jeune sur dix de moins de 30 ans pourrait « certainement envisager de s’engager » et les armées ont tant de difficultés à recruter (un manque de 2 000 à 2 500 postes dans l’Armée de Terre, chiffre d’octobre  2023) ?

Et demain, la reconnaissance des forces de l’ordre engagées sur les théâtres d’opérations intérieures ?

Avec par exemple les attentats de 2015 ou les émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel en 2023, force est de constater que certaines situations sur le territoire national s’apparentent fortement à du combat pour les forces de l’ordre qui y sont engagées. Ces « combattants », dont la vie est également en danger, n’ont-ils pas droit eux aussi à notre reconnaissance, et à celle de la Nation ?

« La Retraite Mutualiste du Combattant vient rappeler ce que notre pays doit, au sens premier du terme, aux combattants, aux associations qui sont les leurs, et à leur famille », affirmait Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, en ouverture du colloque des 100 ans de la RMC. Souhaitons qu’elle puisse apporter encore longtemps la reconnaissance de la Nation à ceux qui s’engagent pour la défendre.