Tribune

« Le HCN est confronté à de nombreux défis liés à l’incroyable évolution des techniques et des pratiques depuis 20 ans »

Dr Christian Espagno
Vice-Président du Haut Conseil des Nomenclatures

La CCAM, qui a succédé en 2005 à la NGAP, comporte actuellement, avant refonte, 13 700 libellés décrivant les dizaines de milliers d’actes médicaux réalisés quotidiennement par l’ensemble des médecins français. Son poids économique est important puisque la prise en charge de ces actes représente plus de 14 milliards d’euros d’honoraires sans dépassement facturé chaque année à l’Assurance maladie. Bien qu’elle ait connu quelques évolutions limitées depuis sa création en 2005, force est de constater que la CCAM présente une importante obsolescence, car beaucoup de libellés ne sont plus adaptés aux pratiques et aux techniques actuelles. L’absence d’une maintenance suffisante n’a pas permis aux libellés décrivant les actes de suivre la formidable évolution en 20 ans des pratiques médicales. En outre, il existe plusieurs centaines d’actes couramment pratiqués depuis plusieurs années et validés sur le plan scientifique qui ne sont toujours pas inscrits à la CCAM.

C’est la raison pour laquelle a été créé le Haut conseil des nomenclatures (HCN) à qui le législateur a confié une triple mission :

 
1/ Organiser et piloter la refonte en profondeur de la CCAM avec mise à jour de l’ensemble des libellés puis réalisation de leur nouvelle hiérarchisation, indispensable pour la conversion tarifaire.

2/ Poursuivre de façon parallèle la rédaction des libellés et la hiérarchisation des actes innovants sur saisine de l’UNCAM après avis de la HAS avec une inscription beaucoup plus fluide et rapide de ces actes.

3/ Mettre au point une maintenance prospective de la CCAM rénovée afin de mieux suivre les progrès techniques.

Pour répondre à cet enjeu, le HCN a mis en place 42 groupes de travail, appelés comités cliniques, avec un référent et une quinzaine de membres en moyenne pour chaque groupe. Ces groupes ont été répartis non pas par spécialités mais par familles d’actes cohérentes. Il y a, par exemple, un groupe pour les actes concernant la douleur comprenant l’ensemble des spécialités concernées. Il apparaît, en effet, de plus en plus, que les médecins se reconnaissent et se structurent en fonction de la typologie des actes qu’ils réalisent plutôt qu’en fonction de leur spécialité au sens ordinal du terme. Depuis un an et demi, les comités cliniques se sont mis à la tâche avec beaucoup d’enthousiasme pour travailler sur les deux étapes essentielles de la refonte de la CCAM : re-description et re-hiérarchisation.

Il est évident que pour chacune de ces deux étapes, la prise en compte du travail médical nécessaire à la réalisation de chacun des actes est la composante principale qui structure nos travaux.

– à l’étape de redescription des libellés, il est essentiel de décrire précisément la façon de réaliser l’acte, ce qui conditionne la quantité de travail nécessaire : objectif, voie d’abord, technique employée, méthode de guidage, assistance opératoire (robot)… C’est pourquoi, pour de nombreux libellés, les comités cliniques ont proposé de les redécrire, subdiviser, regrouper afin de mieux correspondre à la réalité des pratiques et des techniques actuelles. Par ailleurs, ils proposent de nouveaux libellés pour les actes usuels mais encore non-inscrits.
 
– à l’étape de hiérarchisation, il s’agira de donner une valeur en termes de « points travail » pour chacun des actes. La quantité de travail nécessaire à la réalisation de l’acte sera évaluée à partir de quatre critères : compétence technique, effort mental, stress, durée de l’acte et des soins postopératoires. Grâce à des calculs de cohérence entre chaque famille d’actes, on obtient ensuite une échelle unique et homogène de valeur en points travail pour l’ensemble des actes de la CCAM. La valeur financière de l’acte est calculée en multipliant son nombre de points travail par un coefficient de conversion monétaire auquel s’ajoute le coût de la pratique qui peut varier d’une spécialité à l’autre.

Au-delà de cette base méthodologique pour évaluer le travail médical, le HCN est confronté à de nombreux défis liés à l’incroyable évolution des techniques et des pratiques depuis 20 ans. Il faudra, par exemple, mieux prendre en compte l’apport du numérique dans de nombreux domaines : aides au diagnostic, guidages, assistance opératoire, training préopératoire à l’aide d’un avatar du patient… C’est la raison pour laquelle le HCN procède, dans un premier temps, auprès de chaque comité clinique, au recensement de l’ensemble des aides numériques déjà utilisées dans la famille d’actes qui le concerne.

En outre, la CCAM repose pour le moment essentiellement sur une logique de paiement à l’acte. Cette logique gardera tout son intérêt pour beaucoup d’actes techniques mais la CCAM devra également de plus en plus tenir compte du nécessaire essor des paiements forfaitaires pour des épisodes de soins coordonnés, en particulier dans la prise en charge des pathologies chroniques. Certains forfaits sont déjà inscrits dans la CCAM, par exemple pour la dialyse au domicile, mais leur nombre et leur diversité devront être fortement développés dans les années à venir. Le HCN a donc entamé, également avec l’aide des 42 comités cliniques, une réflexion méthodologique pour mieux prendre en compte la valeur travail dans la hiérarchisation de ces prises en charge forfaitaires.

Au-delà de leurs apparences très techniques, on voit bien que les missions du HCN s’avèrent essentielles et passionnantes, car elles amènent à se pencher sur l’extraordinaire impact des progrès techniques sur la nature du travail médical, à anticiper le mieux possible les évolutions dans un proche avenir pour que la valeur travail médical reste l’élément majeur de l’évaluation des actes médicaux et donc de leur tarification.